Le cabinet de sécurité israélien a approuvé un accord qui met fin, au moins temporairement, à l’opération militaire au Liban. Elle a coûté la vie à 70 soldats.
Par Amaury Coutansais-Pervinquière
L’opération « Flèches du Nord »
L’opération « Flèches du Nord » aura duré soixante-cinq jours. Elle s’achève, au moins temporairement, avec l’approbation d’une trêve avec le Hezbollah par le cabinet de sécurité israélien ce mardi soir. Un cessez-le-feu est entré en vigueur à 2h00 GMT en échange du retrait de la milice chiite et de ses armes lourdes au nord du fleuve Litani (situé à 30 kilomètres de la Ligne bleue, frontière de facto entre le Liban et Israël toujours officiellement en guerre, NDLR).
L’armée libanaise et la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) se déploieront, selon le site Axios, au Liban-Sud qu’Israël doit évacuer sous soixante jours. Soixante-dix soldats de Tsahal ont perdu la vie, surtout dans des combats d’infanterie, ainsi que des milliers de Libanais.
Le Hezbollah avait lancé dès le 8 octobre 2023 des roquettes contre Israël, en soutien à son allié du Hamas, auteur d’une attaque antisémite de grande ampleur la veille. Elles ont causé le départ de 70.000 Israéliens du nord du pays.
Le gouvernement Netanyahou, toutefois, n’a pas immédiatement lancé d’opération militaire contre la milice chiite, se contentant d’échanges de tirs d’artillerie. Tsahal a d’abord cherché à réduire la menace du Hamas dans la bande de Gaza, et n’a pas voulu disperser ses forces. D’autant que son armée repose sur la conscription. Chaque perte pèse donc fortement sur le moral.
Deux raids aériens sont conduits à Beyrouth, la capitale libanaise, pendant cette première phase du conflit, qui reste de basse intensité, au cours de laquelle Saleh Al Arouri, numéro du Hamas, est éliminé le 2 janvier 2024, comme Fouad Chokr, en charge du programme missilier du Hezbollah, le 30 juillet de la même année.
Escalade et incursions terrestres
Mi-septembre, la 98ème division, l’une des meilleures unités de Tsahal, est redéployée de Gaza vers la frontière libanaise, ainsi que la 36ème division blindée. L’État hébreu enclenche une nouvelle phase avec deux opérations menées les 17 et 18 septembre : l’explosion de bipeurs utilisés par le Hezbollah, puis de Talkies-Walkies le lendemain.
La perturbation du réseau de communication adverse est l’un des fondamentaux de la tactique militaire. Hassan Nasrallah, alors chef du Hezbollah, reconnaît, dès le lendemain, un « coup dur ».
L’armée de l’air israélienne survole Beyrouth pendant son discours. Elle élimine Ibrahim Akil, chef de l’unité d’élite Al-Radwan, le 20 septembre alors qu’il était soigné pour ses blessures à la suite d’explosion des bipeurs, et la plupart de son état-major.
Benyamin Netanyahou valide l’opération « Flèches du Nord » le 23 septembre. C’est le début de l’opération qui va durer 65 jours. Mille trois cents cibles sont traitées dès le premier jour, causant près de 500 morts selon les autorités libanaises. Israël cherche à la fois à décapiter le mouvement chiite et à réduire son arsenal, surtout balistique, au cours de ces raids.
Incursions terrestres et bilan humain
Rapidement, la nécessité d’une intervention terrestre s’impose.
« La question est ancienne chez les militaires : l’arme aérienne peut-elle résoudre un conflit ? », interroge le général (2S) François Chauvancy.
Israël choisit d’enclencher sa dernière phase militaire en lançant des incursions terrestres le 30 septembre.
« Les soldats doivent achever le travail après les frappes : fouille systématique et destruction de la menace », résume François Chauvancy.
Les incursions sont prudentes et sanglantes. Le 2 octobre, l’armée israélienne perd huit soldats au Liban-Sud, et le Hezbollah revendique la destruction de trois chars Merkava. Quatre divisions sont déployées selon le Guardian le 8 octobre.
Penser l’après-guerre
Les combats se poursuivent, tout comme leur intensité, et le Hezbollah continue de lancer des raids aériens contre le territoire israélien. Début novembre, les bruits de négociation, menée par Amos Hochstein, le missi dominici américain, s’intensifient. Des tirs contre des soldats de l’armée régulière libanaise ou contre la FINUL contribuent à ternir l’image israélienne.
Pourtant, militairement, « il y a un clair affaiblissement » du Hezbollah, souligne David Khalfa.
Ces négociations ont abouti ce mardi soir, avec l’annonce par Benyamin Netanyahou d’un cessez-le-feu pour « trois raisons » :
- « se concentrer sur la menace iranienne »,
- « rafraîchir les troupes et se réapprovisionner »,
- et isoler le Hamas en signant un accord avec le Hezbollah.
Pour autant, la victoire militaire n’est pas définitivement acquise.
« C’est impossible avec des mouvements qui sont au milieu des populations. Il y aura toujours des résurgences, même sporadiques », analyse le général Chauvancy.
Des coups importants ont été portés à l’arsenal du Hezbollah, certes, mais leur ampleur est difficile à évaluer. Israël remporte cependant une victoire politique sous deux aspects, juge David Khalfa :
- « isoler le front nord (contre le Hezbollah) du front sud (contre le Hamas) »,
- et l’affaiblissement d’un proxy iranien.
Naïm Kassem, le nouveau dirigeant du Hezbollah, est « un pragmatique. Il sait que son organisation n’est pas défaite, mais elle est affaiblie militairement », ajoute-t-il.
La pérennité de l’accord dépendra de la bonne volonté des protagonistes. Israël, pour autant, poursuivra sa campagne Mabam (m’aracha bein ha-milchamot en hébreu, signifiant campagne entre les guerres, NDLR).
Lancée en 2013, elle vise à combattre les proxys de l’Iran, dont le Hezbollah, en frappant leurs capacités militaires ou les livraisons d’armes qui transitent pour la milice chiite par la Syrie.
Tsahal referme donc la page « Flèches du Nord » afin de poursuivre ailleurs son combat contre le régime des Mollahs.