Ce tunnel du Hezbollah que l’ONU ne veut pas voir

Share on facebook
Share on twitter
Share on linkedin
Share on print
Share on email
Israël affirme avoir découvert un tunnel du Hezbollah à proximité d’une tour d’observation de la Finul au Sud-Liban et réclame le départ des Casques bleus.

 

La scène confirme les inquiétudes israéliennes. Sur une vidéo, filmée il y a quelques jours dans l’extrême sud du Liban, on aperçoit une tourelle d’observation blanche sur laquelle sont écrites en noir les lettres U et N, pour United Nations. Il s’agit d’un poste avancé de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), mandatée depuis 18 ans par le Conseil de sécurité pour veiller à l’application du cessez-le-feu conclu en 2006 entre Israël et le Hezbollah.
Quelques dizaines de mètres plus loin, le sol aride laisse voir une trappe, à peine dissimulée par des branchages, qui s’ouvre sur un tunnel profond, équipé d’une échelle. Il s’agit, selon l’armée israélienne, d’un des nombreux ouvrages souterrains construits par le Hezbollah dans la région. Un officier de Tsahal a capturé les images, authentifiées par une source sécuritaire. La tour est celle de la position UNP 1-31 de la Finul, proche de la « ligne bleue », qui marque la frontière entre Israël et le Liban.
Comment le mouvement islamiste chiite, dont la branche armée est considérée comme terroriste par l’Union européenne, a-t-il pu construire un tunnel aussi près d’un poste de l’ONU, sans se faire prendre ? La question fait bondir l’ambassadeur d’Israël en France, Joshua Zarka, qui confie au Point son exaspération face à une situation n’ayant, selon lui, rien de surprenant ni de nouveau. « Depuis dix-huit ans, la Finul n’a publié aucun rapport faisant état de l’implantation progressive des forces du Hezbollah dans le sud du Liban. Pourtant, des dépôts d’armes, des sites de lancement de roquettes et des tunnels ont été découverts à seulement 150 mètres de diverses bases de la Finul. »
Fraîchement arrivé à Paris, le diplomate israélien estime que les récents raids de Tsahal dans le sud du Liban ont permis de clarifier la situation entre « la ligne bleue » et le fleuve Litani, qui coule vers la Méditerranée à trente kilomètres plus au nord. La résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU (2006) décrit la région comme « une zone d’exclusion de tous personnels armés, biens et armes autres que ceux déployés dans la zone par le gouvernement libanais et les forces de la Finul ».
En clair, au sud du fleuve, on ne devrait trouver que des troupes de l’armée régulière libanaise et des soldats de la paix… Or, les récents raids de Tsahal ont permis de démontrer que la zone était en réalité « un repaire des terroristes du Hezbollah », poursuit l’ambassadeur d’Israël. La Finul, l’une des plus anciennes forces d’interposition de l’ONU encore en activité, a été créée en 1978, au lendemain d’une invasion du sud du Liban par Tsahal, qui tentait alors d’en déloger les combattants de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Comptant quelque 10 000 Casques bleus issus d’une quarantaine de pays, dont 600 soldats français, la force onusienne a vu son mandat être sans cesse renouvelé depuis 45 ans, malgré ses limites, la dernière fois le 28 août 2024, avec la résolution 2749.
« On a constaté une incapacité de la Finul à lutter contre le réarmement du Hezbollah, c’est un fait, admet une source diplomatique occidentale sous le couvert de l’anonymat. Mais les précédents conflits dans lesquels était engagée l’armée israélienne n’ont pas permis non plus de limiter les capacités militaires du mouvement islamiste chiite. » La même source rappelle que « la Finul n’a pas pour rôle de désarmer le Hezbollah, mais d’accompagner les Forces armées libanaises dans ce but ». En conséquence, « il faut changer de posture et aller vers un vrai renforcement de la souveraineté du Liban par le biais de l’armée libanaise. Or, la difficulté porte dans le contrôle par cette même armée du sud du Litani, très largement sous l’emprise du Hezbollah ».

Bras de fer ONU-Israël

Le rôle de la force onusienne est vivement critiqué par Israël depuis que le Hezbollah a relancé les hostilités contre l’État hébreu, au lendemain du 7 octobre 2023, en « solidarité » avec le Hamas et la population de Gaza. Les analyses d’images satellites montrent que le groupe terroriste se sert désormais ouvertement de la zone comme d’un point d’appui pour son offensive contre Israël. Les armes qui y ont été stockées servent à frapper le territoire israélien et les tunnels creusés à proximité de la frontière font redouter aux autorités israéliennes d’éventuels massacres semblables à ceux perpétrés par le Hamas il y a un an.
Depuis le 23 septembre, Israël bombarde sans répit le sud du Liban, frappant des positions du Hezbollah même si elles sont situées à proximité des bases de la Finul, ce qui a provoqué des réactions outrées de l’ONU, mais aussi de l’Italie, de l’Espagne et de la France, tous pays contributeurs, qui accusent Tsahal de viser délibérément les postes des Nations unies.
Israël a appelé les Casques bleus à évacuer les lieux, mais l’ONU et les pays contributeurs ont refusé. « Nous avons condamné les attaques et les déclarations du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou appelant au retrait de la Finul, poursuit la source diplomatique précitée. Il existe aujourd’hui une grande cohésion auprès des pays contributeurs sur la nécessité de maintenir la Finul sur le terrain, car elle contribue à la sécurité des deux parties. »
Côté israélien, on dément viser la force d’interposition. « Comme le montre la vidéo, les installations du Hezbollah se trouvent juste à côté », précise une source diplomatique israélienne, qui rappelle que la base UNP 1-31 de la Finul n’est ni un poste habité ni même un centre de commandement. Elle fait néanmoins partie des installations récemment bombardées par Tsahal. « Le tunnel est situé tellement près de la frontière, que c’est le dernier lieu où les combattants se réunissent et s’arment avant de faire feu ou de passer à l’assaut », poursuit la source israélienne.
Au-delà du cas de la base UNP 1-31, la Finul dit avoir été ciblée par l’armée israélienne sur d’autres positions, y compris la semaine dernière au sein de son quartier général de Naqoura, faisant plusieurs blessés. Le sort des 10 000 Casques bleus est désormais au cœur d’un bras de fer diplomatique qui oppose Israël aux Nations unies, alors que, sur le terrain, le rapport de force militaire est ultra-favorable à Tsahal.
L’affaire est un nouveau témoignage de la crise de confiance entre l’État hébreu et les Nations unies, déjà marquée par les condamnations par le secrétaire général de l’ONU de la conduite de la guerre à Gaza, et la découverte de liaisons dangereuses entre le Hamas et l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) à Gaza. À Rafah, dans l’extrême sud de la bande de Gaza, l’armée israélienne avait ainsi annoncé avoir découvert au mois de mars des tunnels débouchant à proximité d’écoles tenues par l’Unrwa.