Bande de Gaza : derrière les manifestations anti-Hamas, l’ombre des « hamoulas », les clans historiques

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Ces familles à l’autorité historique dans l’enclave palestinienne se retournent de plus en plus ouvertement contre le groupe islamiste. Israël a déjà tenté de les approcher l’an dernier.

Par Robin Korda – Le Parisien

Leur relation est ancienne, tumultueuse, enveloppée de secrets. Dans la bande de Gaza, le Hamas affronte la défiance de plus en plus visible de certaines « hamoulas ». Ces clans traditionnels cultivent leur influence depuis des siècles. Ils forment, par endroits, un genre d’administration parallèle, gérant les conflits, les mariages et un semblant de justice.

Le groupe islamiste les a tenus sous contrôle depuis son arrivée au pouvoir en 2007. Les bombardements, le deuil et la colère nés sur les ruines du 7-Octobre semblent fissurer les fondations de cette entente de raison. Selon la presse israélienne, plusieurs figures notables de ces grandes familles auraient été aperçues dans des manifestations dans le nord de la bande de Gaza, ce mercredi.

Ce jour-là, des centaines d’habitants se livrent à une marche de contestation dans la ville de Beit Lahia. « Hamas dehors », « le Hamas doit partir », scande notamment la foule. Les mêmes slogans ont résonné trois semaines plus tôt, le 26 mars, à Beit Lahia déjà mais aussi à Beit Hanoun, Jabaliya et Khan Younis.

Le spectre d’une main invisible plane, depuis, sur ces mobilisations d’une ampleur inédite. Début avril, le clan Hassanein, basé à Gaza- ville, a accusé le Hamas d’avoir tué un de ses membres, réclamant justice. Quelques jours plus tôt, le clan Abu Samra avait lui-même assumé s’être vengé de l’assassinat d’un des siens en exécutant un agent du Hamas à Deir al-Balah.

Marché noir et contrebande

Cette rivalité s’est installée dans les années 2000. Le Hamas s’appuie d’abord sur les clans pour aider son ascension. Il les désarme aussitôt au pouvoir, incapable de tolérer l’existence d’une force parallèle. Une rancœur s’installe. Des incidents violents opposent parfois les deux entités. Le désastre en cours

Ces temps-ci, les « hamoulas » et le Hamas lorgnent, chacun, sur la supervision des biens humanitaires qui pénètrent dans la bande de Gaza. Cette redistribution permet, pour qui s’en prévaut, d’asseoir sa popularité auprès de la population, mais aussi de nourrir le marché noir… et de s’enrichir au passage. Israël a bien cerné l’avantage à tirer de cette animosité.

Tel-Aviv recherche, depuis le début de la guerre, un interlocuteur susceptible de succéder au Hamas. La douzaine de clans, trop fragmentés pour représenter un front unifié et donc dangereux pour l’État hébreu, présentent l’avantage de ne porter ni idéologie politique, ni velléité déclarée d’État palestinien associant la bande de Gaza à la Cisjordanie.

« De plus en plus de Gazaouis comprennent que le Hamas leur apporte destruction et ruine »

L’an dernier, l’armée israélienne a un temps tenté de courtiser les « moukhtars », les chefs de clan, en leur proposant d’escorter les camions acheminés depuis l’Égypte.

Benyamin Netanyahou imagine alors confier une administration du quotidien à des « éléments locaux ayant une expérience dans la gestion », à condition « qu’ils ne soient pas affiliés à des organisations terroristes ou financés par des pays hostiles ».

Les rumeurs disent, à l’époque, le leader du clan Doghmush enclin à collaborer. Le tribunal du Hamas le condamne à mort sur- le-champ. Il est exécuté en mars 2024.

Depuis, le groupe politico-militaire a perdu de ses forces sous l’effet des frappes de Tsahal, du blocus alimentant le désastre humanitaire et de la colère populaire. « Est-ce que les clans peuvent se dire que le Hamas condamne l’avenir ? La question se pose avec ces manifestations », analyse David Rigoulet- Roze, rédacteur en chef de la revue « Orients Stratégiques ».

Fin mars, Benyamin Netanyahou s’est empressé de saluer les premières manifestations. « De plus en plus de Gazaouis comprennent que le Hamas leur apporte destruction et ruine, et c’est essentiel, souligne-t-il. Tout cela prouve que notre politique fonctionne. » Reste que les clans, s’ils venaient à concurrencer le pouvoir, devront jouer sur un fil. À Gaza, nul ne survit longtemps avec le tampon de Tel-Aviv.