En pleine offensive israélienne sur le Liban, la formation armée alliée de l’Iran promeut son secrétaire général adjoint pour succéder à Hassan Nasrallah.
Par Laure Stephan
Un mois après l’assassinat, le 27 septembre, de Hassan Nasrallah dans un gigantesque bombardement israélien sur la banlieue sud de Beyrouth, le Hezbollah se dote d’un nouveau secrétaire général : Naïm Qassem, 71 ans. Celui-ci dirigeait par intérim ces dernières semaines la formation armée alliée de l’Iran. Sa désignation par le Conseil de la choura, instance de décision du parti, a été annoncée mardi 29 octobre.
Visage connu du Hezbollah, portant la tunique et le turban blanc du clergé chiite, le responsable a occupé pendant plus de trente ans le poste de secrétaire général adjoint du Hezbollah. Il n’était pas pour autant un successeur désigné de Hassan Nasrallah, mais la campagne d’élimination des cadres du Hezbollah menée par l’Etat hébreu a visé des candidats pressentis, comme Hachem Safieddine, cousin de Nasrallah, aux liens étroits avec Téhéran, tué début octobre.
Naïm Qassem a été chargé de l’allocution lors du dernier événement public organisé par le Hezbollah en rassemblant sa base, aux portes de la capitale, le 22 septembre : les funérailles d’Ibrahim Akil, le chef de l’unité d’élite Radwan, tué avec d’autres chefs militaires dans une frappe israélienne sur la banlieue sud de Beyrouth, deux jours plus tôt. Visiblement affecté, le responsable affirmait pourtant que la résilience du parti était intacte. Le lendemain des obsèques, l’armée israélienne lançait une offensive massive sur le Liban, dont la fulgurance a pris de court le pays du Cèdre, et qui a fait plus de 1 750 morts et plus de 1 million de déplacés.
« Le compte à rebours a commencé »
En se choisissant un nouveau chef en temps de guerre, le Hezbollah cherche à afficher une forme de continuité. Un message qui s’adresse notamment à ses partisans, désorientés (une partie refuse de croire à la mort de Hassan Nasrallah) et éprouvés alors que les régions à majorité chiite paient le prix fort du conflit : d’intenses frappes israéliennes continuent de viser la vallée de la Bekaa et le sud du Liban.
La nomination de Naïm Qassem est également un signal envoyé sur la scène interne, où ses opposants misent sur son affaiblissement, mais aussi régionale. « Le Hezbollah signifie qu’il va tout faire pour continuer à exister, il ne se projette pas comme étant menacé de disparition imminente. Naïm Qassem pourrait être un secrétaire général de transition, avant l’établissement de nouveaux rapports de force. Le Hezbollah va devoir faire des concessions difficiles, alors qu’il se vivait comme un parti invincible, et Naïm Qassem pourrait assurer cette redéfinition », estime Ali Mourad, professeur et militant politique qui avait concouru, dans le Sud, sur une liste de la société civile adverse de la formation, lors des élections législatives de 2022.
La désignation à la tête du parti-milice de l’ex-numéro deux du Hezbollah, qui porte le titre religieux de cheikh, a été saluée par le président iranien. Massoud Pezeshkian a estimé, dans un communiqué, que celle-ci allait « renforcer la détermination de la résistance » face à Israël. Avant lui, des responsables israéliens ont réagi, en menaçant le nouveau dirigeant d’une élimination rapide : le ministre de la défense, Yoav Gallant, a ainsi écrit sur le réseau X que cette nomination ne serait « pas pour longtemps » et que « le compte à rebours a commencé ».
Ancien enseignant de chimie
Depuis l’assassinat de Hassan Nasrallah, Naïm Qassem a basculé dans la clandestinité, une pratique qui lui était étrangère. Ses trois récents discours, transmis par la télévision du Hezbollah, Al-Manar, ont été préenregistrés. Il n’est pas connu pour avoir eu des fonctions dans l’appareil sécuritaire ou militaire du Hezbollah. Il appartient au cercle fondateur du mouvement armé, né de la conjonction de la révolution islamique en Iran en 1979 et de la seconde invasion israélienne du Liban en 1982, qui aboutit à l’occupation du Sud jusqu’en 2000, combattue par le Parti de Dieu. Sa famille est originaire de Kfar Kila, une localité chiite frontalière d’Israël.
En 1992, lorsque Hassan Nasrallah devient le chef du Hezbollah, à la suite de l’assassinat par l’armée israélienne de son prédécesseur, Abbas Moussaoui, Naïm Qassem est secrétaire général adjoint depuis un an. Il vote en faveur de l’entrée en politique du mouvement, d’abord dans le jeu parlementaire libanais. C’est lui, du reste, qui, ces dernières années, a assuré les contacts avec les députés du Hezbollah ou les ministres affiliés ou appuyés par le parti au sein du gouvernement. Ancien enseignant de chimie, il s’est aussi fait connaître pour son rôle au sein des institutions sociales liées au Hezbollah – dont le développement d’écoles privées chiites. Ses ouvrages, comme Hezbollah. La voie, l’expérience, l’avenir (Albouraq, 2008, version française de son livre paru en 2002), ont été, pour de nombreux observateurs, une fenêtre sur une organisation secrète.
Figure respectée par la base du Hezbollah, Naïm Qassem n’a cependant ni le charisme ni la carrure de Hassan Nasrallah, qui était devenu un acteur régional incontournable au sein du monde chiite et de l’« axe de la résistance » contre Israël dirigé par l’Iran. Sa nomination intervient alors que Beyrouth multiplie les appels à un cessez-le-feu. Lui-même a estimé, à la mi-octobre, qu’un accord en ce sens était la seule solution, tout en menaçant les Israéliens de davantage de destructions en cas de poursuite de la guerre.