À l’occasion d’un meeting organisé par le collectif Agir ensemble, les deux hommes ont renouvelé leur demande de libération de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal.
LE POINT – Par Sébastien Schneegans
L’attelage est, de l’aveu amusé de Bruno Retailleau, « improbable ». Un homme de droite et un homme de gauche, Manuel Valls, participent à un même meeting. Un libéral- conservateur et un social-démocrate unis dans un même combat pour la République, et contre l’islamisme. « Je vais vous faire une confidence : je suis de droite, il est de gauche, glisse, en début de soirée, un Bruno Retailleau en terrain conquis. Mais nous sommes des fans de Clemenceau, de la République et des amoureux de la France. »
Des deux hommes, « invités d’honneur » de cette soirée organisée par le collectif Agir ensemble, Retailleau, ovationné, l’a sans nul doute emporté à l’applaudimètre. « Président ! Président ! » entend-on même dans les travées du Dôme de Paris, où sont réunies 4 000 personnes, lorsque le locataire de Beauvau et candidat à la présidence des Républicains s’avance vers le pupitre.
On a par moments l’impression d’être à un meeting de Bruno Retailleau… Si bien qu’au cours de la soirée, lors d’un « talk-show », la directrice de l’Observatoire européen des fondamentalismes, Fadila Maaroufi, a ce lapsus : « Il ne faut jamais céder, comme l’a dit tout à l’heure le Premier mini… euh, le ministre de l’Intérieur. » Elle faisait référence à une phrase du troisième homme mis à l’honneur tout au long de cette soirée, Boualem Sansal.
« La meilleure façon de faire avancer l’islamisme, c’est de tout lui céder », a écrit l’écrivain franco-algérien, dont la libération semble souhaitée par l’ensemble de la salle. « Que vos applaudissements puissent franchir les barreaux de sa prison ! » clame, solennel, Bruno Retailleau. « L’affaire Sansal est une nouvelle affaire Dreyfus », affirme Jean-Michel Blanquer, présent la veille au rassemblement organisé par le comité de soutien à Boualem Sansal, représenté ce soir par sa directrice, Noëlle Lenoir.
Une soirée « historique et décisive »
Parce qu’il paie de sa liberté de nous avoir prévenus des dangers de l’islamisme, il était naturel qu’il soit au cœur de cette soirée « historique et décisive », selon les mots d’Arié Bensemhoun, directeur général d’Agir ensemble, qui rappelle qu’il s’agit du premier rassemblement d’ampleur contre l’islamisme. Le livre Pour Boualem Sansal était vendu à la sortie de la salle. Fait rare, le temps d’une soirée, un ancien Premier ministre, des ministres, des députés, des sénateurs, des universitaires, des philosophes, des écrivains et des journalistes étaient réunis pour professer leur amour de la République. Des femmes qui ont vécu dans leur chair l’oppression islamiste, comme Henda Ayari, ont pu témoigner. Partie à l’âge de 21 ans en Tunisie, elle a raconté avoir été mariée à un salafiste, qui voulait absolument que leurs deux jeunes fils fassent le djihad ; leur fille devait, elle, être mariée à 14 ans.
À l’instar de l’universitaire Florence Bergeaud-Blackler et des autres intervenants, elle a mis en garde contre le fléau salafiste et le fléau frériste, plus pernicieux encore que le premier car moins ostentatoire. L’auteur franco-syrien Omar Youssef Souleimane, qui écrit régulièrement pour Le Point, était également invité à partager son expérience. La sœur de Samuel Paty, Mickaëlle Paty, a livré un vibrant plaidoyer.
LFI hué
La soirée mêlait ainsi témoignages personnels et leçons académiques – l’un des meilleurs spécialistes de l’islamisme au Moyen-Orient, Bernard Rougier, était invité à rappeler les différences fondamentales entre islam et islamisme. En fin de soirée, le directeur général de l’Ifop, Frédéric Dabi, présentait les conclusions d’un sondage commandé par Agir ensemble. Un chiffre, en particulier, a été relevé par Eugénie Bastié, journaliste au Figaro et modératrice d’un des talk-shows : 36 % des sympathisants de La France insoumise perçoivent « l’islamisme » de manière positive.
LFI, dont il a été rappelé qu’aucun représentant n’était présent au rassemblement organisé en faveur de la libération de Boualem Sansal, a été copieusement hué à plusieurs reprises.
« Honte à l’extrême gauche française », affirme Bruno Retailleau, rappelant que les cadres du mouvement de Jean-Luc Mélenchon n’ont pas présenté d’excuses pour avoir publié un montage de Cyril Hanouna reproduisant les traits des affiches antisémites des années 1930.
C’est, enfin, par un discours d’union que Manuel Valls a clôturé la soirée, reprenant l’idée exprimée plus tôt par son collègue de l’Intérieur. « Droite, gauche… Tout cela est dépassé quand il s’agit de défendre ce qu’il y a de plus cher en nous, c’est-à-dire la République, la patrie, la France ! » Et Valls d’entonner, aux côtés de Retailleau et devant une foule enthousiaste, la Marseillaise.