Après l’attaque israélienne, l’Iran reste prudent

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Le Figaro Par Georges Malbrunot


DÉCRYPTAGE – Tout en menaçant l’État hébreu d’une « réponse ferme », Téhéran pourraitattendre le résultat de l’élection aux États-Unis pour définir sa posture.

Tout en affirmant son droit de riposte à l’attaque israélienne de la nuit de vendredi à samedi, l’Iran s’estabstenu depuis de propos vengeurs. Une prudence que le guide suprême et numéro un du régime,l’ayatollah Ali Khamenei, a résumé par la formule que « le mal fait par le régime sioniste ne doit être niexagéré, ni minimisé ».

Pour la première fois cependant depuis la guerre Iran-Irak de 1980 à 1988, des missiles ont frappé lesenvirons de la capitale, ce qui pourrait annoncer un changement de posture israélienne et d’autresbombardements contre son ennemi juré, si jamais la République islamique ne comprenait pas le messagedélivré par l’attaque d’une centaine d’avions de combat F-15 et F-35 contre une vingtaine de sites militaires,à travers l’Iran, qui a tué quatre soldats et un civil. Les sites nucléaires et pétroliers ont toutefois étéépargnés.

« Il appartient aux responsables de déterminer la meilleure façon de démontrer » à Israël « la force de lanation iranienne », a déclaré vingt-quatre heures après Ali Khamenei. L’insistance de plusieurs responsablesiraniens pour expliquer que les dégâts causés étaient « limités », plaide également en faveur d’unemodération. D’autant que, via certains canaux, Israël avait averti Téhéran de ses frappes, a indiqué leministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi.

Certes, depuis, Hossein Salami, le chef des tout-puissants gardiens de la révolution, l’armée idéologique durégime, a prévenu l’État hébreu de « conséquences amères ». Une rhétorique déjà entendue. Un ministredes Affaires étrangères se souvient des menaces de son homologue iranien fin septembre lors del’Assemblée générale de l’ONU à New York : « M. Aragchi m’assura que si jamais Israël pénétrait sur le sollibanais, l’Iran enverrait des hommes à Beyrouth. Trois jours après, Israël assassinait Nasrallah et Téhéranest resté l’arme au pied », se souvient-il.

«Des options contraintes»

Au-delà de la rhétorique, Téhéran ne semble pas vouloir d’escalade, à court terme du moins. « Il paraît trèspeu vraisemblable que l’Iran lance une réponse directe en Israël avant l’élection présidentielle américaine(du 5 novembre) », affirme Hamidreza Azizi, spécialiste de l’Iran dans un centre de recherches à Berlin.« Après, cela dépendra de la conduite israélienne et du résultat du scrutin aux États-Unis », ajoute-t-il.

Une victoire de Donald Trump – l’Iran se méfie de celui qui est sorti de l’accord nucléaire international en2018 et lui a imposé de nouvelles sanctions – « accroîtrait la possibilité d’une attaque israélo-américainecoordonnée contre les sites nucléaires iraniens ou les infrastructures du pays », prévient Hamidreza Azizi.« L’Iran veut probablement surprendre Israël dans sa riposte afin de rétablir, pour un temps, sa dissuasion »,estime, de son côté, Vali Nasr, expert de l’Iran aux États-Unis.

Téhéran pourrait préférer une solution diplomatique qui éviterait que leHezbollah soit encore plus affaibli

Dans l’immédiat, alors que la Force al-Qods, le bras armé des gardiens de la révolution en dehors de l’Iran,est occupée à restructurer la branche militaire de son allié le Hezbollah, durement frappé par Israël, uneriposte iranienne pourrait intervenir via ses relais régionaux – le Hezbollah donc et les rebelles houthistes duYémen, qui ont lancé lundi un drone sur Israël.

Vers une coopération avec l’Occident ?

L’Iran affirme que l’efficacité de ses défenses antiaériennes a fait échouer l’attaque israélienne. Un constatdémenti par Benyamin Netanyahou, qui estime qu’entre « 70 % à 90 % » des défenses aériennes ont étéatteintes. La réalité se situe probablement entre les deux. La question est de savoir combien de temps ilfaudra à Téhéran pour réparer les systèmes endommagés, alors que certains de ses équipements viennentde Russie et de Chine. « Avec quelle rapidité, ses fournisseurs étrangers sont-ils prêts à répondre à sademande, si jamais l’Iran n’a pas la capacité propre de remplacer ses systèmes et alors que de nouvellesfrappes israéliennes ne sont pas à exclure ? », s’interroge un autre expert de l’Iran, qui requiert l’anonymat.

Pour Nicole Grajewski, de la Fondation Carnegie pour la paix internationale à Washington, « les options del’Iran sont maintenant contraintes ». Selon elle, « Téhéran pourrait préférer une solution diplomatique quiéviterait que le Hezbollah soit encore plus affaibli, offrant ainsi à ce dernier un peu de répit pour sereconstruire ».

C’est le message qu’un proche du guide suprême a passé au correspondant du Financial Times à Téhéran.L’Iran est « ouvert » à une coopération avec l’Occident, a confié Ali Akbar Velayati, conseiller diplomatiqued’Ali Khamenei. Selon lui, « la République islamique est en train de réévaluer sa diplomatie en vue demeilleures relations, y compris avec l’Europe ». Une posture conforme au discours d’ouverture du nouveauprésident, Masoud Pezeshkian, lors de l’Assemblée générale des Nations unies en septembre à New York.