L’émissaire de Joe Biden a joué un rôle clé dans la conclusion d’un accord diplomatique de cessez-le-feu entre l’État hébreu et le Hezbollah.
Par Armin Arefi
Homme des missions impossibles au Proche-Orient a encore frappé. Deux ans après avoir décroché un premier accord entre Israël et le Liban, sur la délimitation de leurs frontières maritimes, Amos Hochstein est de nouveau parvenu à concilier les positions des deux pays ennemis pour arracher un cessez-le-feu mettant, tout du moins provisoirement, fin à la guerre que se livraient depuis 416 jours le Hezbollah et l’armée israélienne.
Si la décision finale a été prise par le cabinet de guerre israélien, l’émissaire du président américain sortant Joe Biden a multiplié pendant plus d’un an les navettes entre Jérusalem et Beyrouth afin de trouver une issue diplomatique au conflit. Reconnaissable à sa grande taille et à son physique de jeune premier, le diplomate de 51 ans a pourtant tout d’abord suscité la méfiance au pays du Cèdre.
Né en Israël en 1973 de parents américains de confession juive, Amos Hochstein réalise son service militaire au sein de Tsahal au milieu des années 1990, avant de partir vivre aux États-Unis, dont il possède la nationalité. Sous la bannière du Parti démocrate, il épouse alors une carrière politique, qu’il délaisse épisodiquement pour des activités privées de consultant auprès de firmes pétrolières américaines. Devenu diplomate, il entre en 2011 au département d’État, où il se spécialise dans le secteur de l’énergie et gravit les échelons jusqu’à devenir, en 2022, le conseiller à l’énergie et aux infrastructures mondiales du président des États-Unis.
« Le fait qu’Amos Hochstein soit né en Israël et qu’il ait servi dans l’armée israélienne constituait tout d’abord un sérieux handicap pour lui », confie une source diplomatique libanaise sous le couvert de l’anonymat. « Mais il est ensuite parvenu à réunir plusieurs atouts : il possède une connaissance approfondie des dossiers litigieux, développe une expérience des techniques de négociation au sein des camps israélien et libanais, demeure créatif et a su gagner progressivement la confiance de toutes les parties libanaises. »
Conciliant
Son premier fait d’armes est la conclusion en octobre 2022 d’un accord historique ouvrant la voie au partage entre Israël et Liban de leurs ressources gazières en Méditerranée, avec l’accord tacite du Hezbollah, alors que les deux pays étaient toujours officiellement en état de guerre. « Amos Hochstein a joué un rôle important, déterminant et conciliant pour aboutir à un tel accord », rappelle la source diplomatique libanaise. « Il a œuvré concomitamment pour obtenir le maximum possible pour chacune des deux parties en tenant compte des réalités. Il fallait une tierce partie et ça a été lui. »
À l’époque, l’envoyé spécial du président américain bénéficie d’un contexte politique favorable. Il règne depuis seize ans et la fin de la guerre des 33 Jours apporte un calme relatif sur la frontière entre Israël et le Hezbollah, tandis que le Liban, en proie à une crise économique sans précédent, a cruellement besoin de perspectives attractives pour relancer ses finances en berne. Mais les massacres du Hamas du 7 octobre en Israël bouleversent la donne. Et les hostilités, lancées le 8 octobre 2023 par le Hezbollah, en « solidarité » avec le Hamas et la population de Gaza, font entrer la guerre, alors de basse intensité, au Liban.
Le Hezbollah largement affaibli
La recette d’Amos Hochstein pour parvenir à un cessez-le-feu tient en quatre chiffres – 1701, soit l’application de la résolution de l’ONU adoptée par le Conseil de sécurité à l’issue de la guerre de 2006, qui préconise le retrait du Hezbollah et de son armement d’une zone allant de la ligne bleue jusqu’au fleuve Litani, à 30 kilomètres au nord de la frontière, au profit de l’armée libanaise et des forces de la mission des Nations unies pour le Liban, alors que Tsahal est appelée à cesser ses violations de l’espace aérien libanais.
Pendant onze mois, le Hezbollah refuse de céder, conditionnant l’arrêt des hostilités à la fin de la guerre menée par Israël à Gaza. C’était oublier la force de frappe de Tsahal. Le 23 septembre dernier, Israël décide contre toute attente d’entrer en conflit ouvert avec le mouvement islamiste chiite, n’hésitant pas à bombarder en profondeur le territoire libanais et à décapiter l’ensemble de la hiérarchie militaire et politique du Hezbollah, avant de lancer, une semaine plus tard, une intervention terrestre dans le Sud-Liban.
S’il conserve aujourd’hui la capacité de frapper quotidiennement le nord d’Israël, le « Parti de Dieu » est indéniablement affaibli sur le plan militaire, ce qui l’a contraint de ne plus lier son sort à celui de Gaza, et d’accepter un cessez-le-feu. « Le Hezbollah s’est retrouvé en position de faiblesse face à l’armée israélienne mais aussi face à l’opinion publique libanaise, et a perdu sur les deux tableaux », juge une source diplomatique occidentale qui relativise ainsi le rôle de « faiseur de paix » joué par Amos Hochstein. « Au final, il s’agit de l’envoyé spécial des États-Unis et il est né en Israël. Il n’a fait que porter les positions et conditions américaines et israéliennes au Liban. Rien d’autre. »
Après ce nouveau succès à son palmarès, le diplomate américain pourrait faire valoir ses talents d’expert en diplomatie auprès de la future administration Trump. Le nouveau président américain, qui a déjà donné sa bénédiction à la mission actuelle d’Amos Hochstein avec le Liban, pourrait voir d’un bon œil les nombreux contacts que ce dernier a noués au cours des quatre dernières années auprès de l’Arabie saoudite et d’Israël en vue de conclure une normalisation historique entre les deux pays. À moins que sa proximité affichée avec le président sortant ne lui vaille d’être congédié par le milliardaire républicain dès son investiture à la Maison-Blanche, le 20 janvier prochain.