Sur les tatamis, comment les Iraniens évitent d’affronter Israël (Thierry Oberlé – Le Figaro)

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L’Iran interdit à ses athlètes de s’opposer sportivement aux Israéliens. Contraint de simuler une blessure pour respecter cette règle, l’un d’entre eux a craqué et demandé l’asile à l’Allemagne.

Saied Mollaei était apparu peu avant les demi-finales fébrile et au bord des larmes. Il portait un énorme bandage sur la tête simulant une blessure et n’a tenté presque aucune attaque. Le champion du monde iranien de judo de la catégorie des – 81 kilos a volontairement perdu son combat contre le Belge Matthias Casse pour ne pas avoir à se mesurer en finale l’israélien Sagi Muki. Puis il a laissé filer la médaille de bronze pour ne pas être présent sur le podium du tournoi remporté par Sagi Muki où l’Hatikvah, l’hymne national israélien a été joué. L’Iranien était pourtant, avant sa fin piteuse, déterminé à défendre son titre. Il était, pour les spécialistes, le favori du concours mais les autorités de son pays en ont décidé autrement. Elles l’ont forcé à lâcher prise pour ne pas légitimer l’ «ennemi sioniste». Sa mère a été menacée dans son pays par des officiels du renseignement. L’affaire est remontée jusqu’au président Rohani. Écœuré, Saeid Mollaei s’est confié à Marius Bizer, le président de la Fédération internationale de judo (FIJ). Il a demandé l’asile politique à l’Allemagne et a rejoint discrètement Berlin en fin de semaine.

Pour les médias iraniens, il s’agit bien entendu d’un complot afin de «faire du mal à l’Iran pour le bien d’Israël».

C’est finalement Marius Vizer, qui a confirmé samedi au journal japonais Asahi Shimbun ce qui apparaissait comme un secret de polichinelle. Il a ajouté qu’il espérait que l’Iranien participe aux Jeux olympiques 2020 sous la bannière des athlètes olympiques réfugiés. Pour les médias iraniens, il s’agit bien entendu d’un complot afin de «faire du mal à l’Iran pour le bien d’Israël». Selon, la chaîne d’information iranienne Iran International, Saeid Mollaei a été exfiltré du tournoi par la FIJ et conduit sous escorte allemande jusqu’à l’aéroport de Tokyo.
L’Iran interdit à ses athlètes de s’opposer sportivement aux Israéliens. En mai, la FIJ avait pourtant déclaré avoir trouvé un accord avec Téhéran pour mettre un terme au boycott, mais celui-ci était ambigu. Un autre champion iranien avait suivi les injonctions du régime: il ne s’était pas rendu à Tokyo pour être certain de pas rencontrer Sagi Muki. Et ce n’est pas la première fois que des athlètes iraniens perdent délibérément pour éviter d’avoir à affronter des Israéliens. Saeid Mollaei, lui-même, avait subi une défaite curieuse au dernier tournoi de Paris et n’avait pas participé à la cérémonie de clôture pour fuir son rival.

La «diplomatie du kimono»

L’épouvantail israélien est en tout cas célébré comme un héros dans son pays. Sagi Muki s’était déjà illustré en octobre lors de l’épisode dit de la «diplomatie du kimono». Pour la première fois, l’hymne israélien avait été interprété à Abu Dhabi lors de la remise de la médaille d’or d’un tournoi aux judokas Sagi Muki et Peter Paltchik. Miri Regev, la ministre israélienne des Sports, avait pleuré d’émotion en voyant apparaître sur l’écran géant le drapeau bleu et blanc frappé de l’étoile de David. L’année précédente, les sportifs israéliens portaient encore des kimonos sans écusson, pour pouvoir concourir dans ce tournoi. «Nous ressentions un manque de ne pas avoir pu jusqu’ici arborer nos couleurs. Aujourd’hui, je suis extrêmement heureux d’avoir pu me battre au nom de mon pays», avait commenté Sagi Muki. L’événement symbolisait le début du rapprochement entre l’État hébreu et les pays arabes sunnites. Il en va tout autrement avec l’Iran.