Lors du Conseil des ministres du mardi 15 octobre 2024, Le Parisien a rapporté des propos inacceptables tenus à huis clos par Emmanuel Macron à l’égard de l’État d’Israël.
Après plusieurs semaines de fortes tensions entre la France et Israël, en particulier avec le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, le Président de la République aurait déclaré : « M. Netanyahou ne doit pas oublier que son pays a été créé par une décision de l’ONU. Par conséquent, il ne devrait pas s’affranchir des résolutions de l’ONU ».
Ces propos, corroborés par plusieurs participants, reflètent la situation tendue dans le sud du Liban, où Israël mène une offensive terrestre contre le Hezbollah après avoir subi une année de bombardements incessants. Cette opération israélienne est compliquée par la présence des soldats de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL), qui sont stationnés entre le fleuve Litani et la frontière israélienne et qui, depuis deux décennies, sont chargés de faire respecter la résolution 1701 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, en vain. C’est précisément l’échec de cette mission qui oblige aujourd’hui Israël à passer à l’offensive au Liban, afin d’exercer son droit et son devoir d’assurer la sécurité de ses citoyens et de permettre le retour des plus de 60 000 déplacés des villes et villages du nord du pays.
C’est dans ce contexte, quelques jours après avoir appelé à un embargo sur les armes à destination d’Israël après que celui-ci ait subi la plus massive attaque balistique de l’histoire, qu’Emmanuel Macron récidive en s’enfonçant dans l’ignominie : celle de la délégitimation d’Israël.
En déclarant qu’Israël est une création de l’ONU, le Président de la République s’aligne avec ceux qui contestent la légitimité de l’Etat juif. Non, Israël n’est pas une construction artificielle née d’une décision administrative. Affirmer cela témoigne d’une grave ignorance historique – ce qui nous éclaire sur l’origine des maladresses et fautes diplomatiques commises par le chef de l’Etat ces derniers jours.
L’État moderne d’Israël résulte de luttes millénaires visant à restaurer la souveraineté juive sur les terres de l’Israël antique, qui ont successivement été colonisées par les Romains, les Arabes, les Ottomans, puis les Britanniques. La résolution 181 de l’Assemblée Générale des Nations Unies de 1947, à laquelle Emmanuel Macron fait référence, n’a pas « créé » Israël. L’ONU ne crée pas de pays. Cette résolution s’inscrit simplement dans un long processus entamé au XIXe siècle par le mouvement sioniste, en réaction à l’antisémitisme en Europe et aux persécutions incessantes, dans le but d’établir un foyer national juif sur leurs terres ancestrales.
Si la résolution 181 avait suffi à la création d’un État, un second État, tel que prévu dans le plan de partage de la Palestine mandataire, aurait vu le jour : un État arabe et un État juif. Cependant, l’État arabe de Palestine n’existe toujours pas, et 77 ans plus tard, l’ONU elle-même ne l’a jamais reconnu.
Au-delà du paternalisme déplacé de tels propos, le sous-entendu et ses implications sont indignes, mais surtout dangereux.
En énonçant de telles idées, Emmanuel Macron suggère que le droit des Juifs à vivre sur ces terres est illégitime, malgré leur présence millénaire ininterrompue. Par conséquent, il renforce la rhétorique absurde et mortifère qui dépeint Israël comme un colonisateur et les Juifs comme des voleurs de terre. En agissant ainsi, le Président de la République contribue indirectement à la légitimation des atrocités commises par le Hamas le 7 octobre 2023 et à celles qui pourraient suivre.
Dire qu’Israël ne devrait pas s’affranchir des résolutions de l’ONU, sous prétexte qu’il en serait une création, revient presque à une menace implicite : ce que l’ONU a créé, l’ONU pourrait aussi le défaire. Donc que l’existence d’Israël peut être remise en question.
L’État juif moderne n’existe que grâce à ses triomphes militaires répétés, notamment celui arraché par les survivants de la Shoah après la déclaration d’établissement de l’État d’Israël le 14 mai 1948, face aux armées arabes coalisées qui avaient rejeté la paix et la résolution de l’ONU.
Cependant, le combat pour la survie d’Israël n’a jamais cessé. Trois quarts de siècle plus tard, l’État juif doit se battre sur sept fronts pour ne pas disparaître sous les coups de « l’Axe de la Résistance » dirigé par la République islamique d’Iran, qui lui a déclaré la guerre par l’intermédiaire du Hamas, en orchestrant le jour le plus sanglant de son histoire, le 7 octobre 2023.
Mais ce n’est pas tout. Les ennemis d’Israël ont également exporté ce conflit au sein des sociétés de ses alliés occidentaux, en utilisant les musulmans y vivant paisiblement, ainsi qu’une extrême-gauche clientéliste et cynique, dans le but de contraindre les gouvernements à renoncer à leur soutien envers Israël.
Bien que cette aversion pour l’État juif y demeure largement minoritaire dans les opinions publiques occidentales, elle est suffisamment bien organisée, bruyante et violente pour intimider les plus hauts responsables de l’État, qui craignent le chaos dans les rues. Cela les pousse à renier leurs valeurs et leurs alliances et à agir contre leurs propres intérêts. Emmanuel Macron en est aujourd’hui un exemple frappant : les islamistes ont réussi à faire plier le Président de la République française.
Le même Président qui répète sans cesse que la sécurité d’Israël est non négociable, œuvre désormais à le désarmer.
Le même Président qui appelait à une coalition internationale contre les terroristes du Hamas, essaye désormais d’empêcher Israël de les éliminer.
Le même Président qui expliquait à de multiples reprises que le boycott d’Israël était intolérable, y participe désormais en interdisant aux entreprises israéliennes de participer aux salons Eurosatory et Euronaval.
Le même Président qui vend pour des milliards d’euros d’armes aux pires dictatures arabes, dont le Qatar, parrain du Hamas, s’organise désormais pour imposer un embargo sur les armes à un pays allié et ami, menacé d’extermination.
Au-delà de la lâcheté politique et de l’indignité morale que représentent les propos et les actions d’Emmanuel Macron, ceux-ci s’inscrivent dans la droite lignée de la faillite des instances internationales et de leur double standard à l’égard d’Israël.
Au fil des décennies et de la création de nouveaux États, le rapport de force entre les régimes démocratiques et les régimes illibéraux, autoritaires et dictatoriaux s’est inversé. Autrefois majoritaires, les démocraties sont désormais bien peu nombreuses parmi les 193 États qui composent l’Organisation des Nations Unies.
En fondant systématiquement sa politique étrangère sur le multilatéralisme, la France a démontré sa volonté de soutenir des résolutions et des idées aberrantes, simplement parce qu’elles sont majoritaires au sein des instances internationales, même si elles vont à l’encontre des valeurs qu’elle défend. Par exemple, les votes répétés de la France en faveur de la reconnaissance d’un État palestinien après les massacres du 7 octobre, alors qu’aucune condition n’est remplie, ainsi que son soutien à des résolutions anti-israéliennes portées par des dictatures, illustrent cette diplomatie schizophrène. L’Ambassadeur de France à l’ONU, S.E. Nicolas de Rivière, a beau exprimer son désaccord avec de nombreux points d’une résolution, cela ne l’empêche pas de s’y conformer, là où d’autres pays européens ont au moins la décence de s’abstenir.
Renier ses valeurs et courber l’échine face au « Sud global » ne rendra pas à la France son influence et sa grandeur d’antan. Cela ne fait que rendre sa diplomatie illisible et inaudible, tout en accélérant son déclin sur la scène internationale – en plus de la faire passer pour un mauvais allié.
Dans un monde multipolaire, toujours plus dangereux et incertain, où la majorité des États s’opposent à nos valeurs républicaines de liberté, d’égalité et de fraternité, la place de la France est avant tout aux côtés de ceux qui les partagent.
Ainsi, lorsque Israël, pays ami et allié, est attaqué pour ce qu’il est, la France a le devoir moral de se tenir à ses côtés. Car les ennemis d’Israël sont aussi les ennemis de la France, que nous le voulions ou non.