Des militants et des élus du parti demandent une politique plus équilibrée concernant le conflit israélo-palestinien.
Le soutien inconditionnel des États-Unis à Israël est de plus en plus ouvertement critiqué au sein du Parti démocrate. Première crise diplomatique majeure à laquelle doit faire face la nouvelle Administration américaine, la reprise du conflit israélo-palestinien place Joe Biden dans une position inconfortable face aux critiques qui émanent de son propre parti.
Après avoir espéré pouvoir se consacrer à d’autres sujets comme la rivalité stratégique avec la Chine, Joe Biden et son gouvernement ont été contraints par les événements de porter leur attention sur ce dossier insoluble. Ils ont jusqu’à présent adopté l’approche classique de chaque Administration américaine.
Le président a répété son soutien au droit d’Israël à se défendre, pendant que sa diplomatie manœuvrait pour empêcher ou retarder l’adoption d’une résolution contraignante par les Nations unies. Mais, sur un sujet qui relève plus de la politique intérieure américaine que de la diplomatie, un nombre croissant de militants et d’élus démocrates réclament dorénavant une approche plus équilibrée de la part des États-Unis, et la recherche d’un cessez-le-feu plutôt que le soutien inconditionnel au gouvernement de Benyamin Netanyahou.
Si l’alliance américaine avec Israël n’est pas menacée par ces voix dissonantes, celles-ci sont de plus en plus difficiles à ignorer au sein d’un Parti démocrate chaque jour davantage mobilisé sur des causes symboliques et médiatiques. Les plus militants établissent un parallèle entre la lutte contre le racisme supposé de la société américaine et la cause palestinienne, réutilisant le fameux slogan: «Les vies noires comptent» («Black lives matter»).
Nous devons reconnaître que les droits des Palestiniens sont importants
Bernie Sanders, sénateur démocrate
«Les vies palestiniennes comptent», a ainsi proclamé le sénateur Bernie Sanders dans une tribune parue ce week-end dans le New York Times. Critiquant implicitement Biden pour ses déclarations sur le droit d’Israël à se défendre, sans «qu’on n’entende jamais la question: quels sont les droits du peuple palestinien?», Sanders a recommandé un changement de la politique américaine. «Nous devons adopter une approche impartiale, qui respecte et renforce le droit international en matière de protection des civils, ainsi que le droit américain en vigueur qui stipule que l’aide militaire américaine ne doit pas permettre des violations des droits de l’homme», a-t-il plaidé. «Si Israël a le droit absolu de vivre en paix et en sécurité… les Palestiniens aussi… Si les États-Unis veulent être une voix crédible en matière de droits de l’homme sur la scène mondiale, nous devons faire respecter ces normes de manière cohérente, même lorsque c’est politiquement difficile. Nous devons reconnaître que les droits des Palestiniens sont importants.»
Autre sénateur et candidate à l’investiture démocrate, Elizabeth Warren avait aussi critiqué la politique américaine. «En continuant à fournir une aide militaire sans restriction, nous n’incitons pas Israël à changer de cap», avait-elle expliqué avant même la reprise du conflit.
L’aile la plus radicale du parti, qui incarne aussi une nouvelle génération, a ouvertement critiqué le président démocrate. Le conflit israélo-palestinien «est notre problème, car nous jouons un rôle dans l’injustice et les violations des droits de l’homme dont sont victimes les Palestiniens. Il ne s’agit pas d’être équitable. Il s’agit d’un déséquilibre des forces, a déclaré jeudi au Congrès Alexandria Ocasio-Cortez, représentante de New York et égérie de la nouvelle gauche du parti. Je ne peux m’empêcher de me demander si la raison pour laquelle nous avons peur de nous opposer à l’incarcération des enfants en Palestine, c’est parce que cela nous obligerait peut-être à affronter l’incarcération des enfants chez nous, à notre frontière, a aussi dit celle qu’on surnomme AOC. Se lever contre les injustices là-bas nous incitera à nous lever contre les injustices ici… Nous devons être honnêtes avec nous-mêmes, avec ce à quoi sert notre aide. Nous devons être honnêtes et nous poser des questions comme celle de savoir pourquoi nous utilisons notre droit de veto et le Conseil de sécurité de l’ONU pour empêcher des déclarations sur les préoccupations liées à cette violence.»
Alors que Biden avait annoncé que son Administration mettrait la défense des droits de l’homme au centre de sa diplomatie, et suspendu la livraison de certains types de munitions à l’Arabie saoudite utilisées pour bombarder le Yémen, ces contradictions font aussi l’objet de critiques au Congrès. L’annonce que l’Administration Biden avait approuvé le mois dernier la vente de systèmes d’armes d’une valeur de 735 millions de dollars à Israël, notamment des dispositifs de guidage des bombes, a suscité des questions parmi certains élus démocrates, qui demandent que cette aide militaire soit associée à des pressions sur Israël en faveur d’un cessez-le-feu.