DÉCRYPTAGE – La nouvelle guerre entre Israël et le Hamas met en lumière le désespoir des Palestiniens et l’incurie de leurs dirigeants. Une aubaine pour le mouvement terroriste.
Un peuple dans l’impasse
Au fil des années, les Palestiniens éprouvent un sentiment croissant d’abandon. Les quelque 5,1 millions d’habitants de Cisjordanie (3,1 millions) et de la bande de Gaza (2 millions) vivent sans horizon politique depuis avril 2014, dernière tentative de dialogue direct entre Israël et l’Autorité palestinienne. Voilà donc plus de sept ans qu’ils ont perdu l’espoir d’aboutir à la création d’un État palestinien, conséquence logique des accords d’Oslo signés en 1993 par Yitzhak Rabin et Yasser Arafat.
Confrontés à une impasse face à l’État hébreu, ils ne trouvent pas non plus d’issue à leur situation interne. La Palestine a tenu ses dernières élections en 2006. Mahmoud Abbas, alias Abou Mazen, qui préside l’Autorité palestinienne depuis seize ans – son mandat ne devait pas excéder quatre ans! -, est devenu champion de l’immobilisme. Au début de cette année, il s’était résolu à appeler à des élections au Conseil national palestinien prévues le 22 mai. Mais, le 29 avril, il les a brutalement annulées en disant qu’Israël avait refusé aux habitants de Jérusalem-Est l’accès aux agences postales utilisées comme bureaux de vote. Un prétexte pour éviter la défaite électorale qui s’annonçait.
Installé à Ramallah, Mahmoud Abbas n’exerce plus son pouvoir que sur la Cisjordanie où il fait face à une hostilité grandissante. Héritier de Yasser Arafat depuis la mort de celui-ci en 2004, il n’a jamais joui du prestige de son prédécesseur, héros de la lutte de libération
L’Autorité palestinienne discréditée
Rarement le mot «autorité» aura été aussi galvaudé. Censée gouverner à la fois la Cisjordanie et la bande de Gaza, cette instance a abandonné toute influence sur cette dernière, devenue le fief du Hamas. Installé à Ramallah, Mahmoud Abbas n’exerce plus son pouvoir que sur la Cisjordanie où il fait face à une hostilité grandissante. Héritier de Yasser Arafat depuis la mort de celui-ci en 2004, il n’a jamais joui du prestige de son prédécesseur, héros de la lutte de libération. Ce manque de légitimité a affaibli sa position au sein du Fatah, le parti prépondérant de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). L’opinion palestinienne reproche à Abbas et son administration leur manque de fermeté face à Israël, qui cacherait leur souci de protéger des intérêts personnels. Au sein même du Fatah, Mahmoud Abbas affronte deux rivaux: Marouane Barghouti, l’influent fondateur des Brigades des martyrs d’al-Aqsa, condamné à quarante ans de prison en 2004 par un tribunal israélien, et Mohammed Dahlan, ancien chef de la sécurité à Gaza, aujourd’hui en exil à Abu Dhabi. Les listes électorales de l’un comme de l’autre auraient, selon les sondages, devancé celle de Mahmoud Abbas.
L’opportunisme du Hamas
Entre désespoir des populations et incurie de l’Autorité palestinienne, les radicaux du Hamas se sont engouffrés dans l’espace politique. Ce mouvement terroriste, dont la doctrine vise la destruction d’Israël, profite de la crise actuelle. L’absence de toute discussion avec le pouvoir israélien, la politique de Netanyahou tendant à «gérer» la question palestinienne plutôt qu’à la résoudre, l’émergence de groupes juifs radicaux prêts à chasser les Arabes de l’État hébreu et l’abandon de la cause par plusieurs États arabes (Émirats, Bahreïn, Soudan, Maroc) sont autant d’arguments pour que le Hamas prône la lutte armée. Aussi, dès que de violents incidents entre Palestiniens et policiers israéliens ont éclaté sur l’esplanade des Mosquées à Jérusalem, le Hamas a tiré les premières roquettes depuis Gaza. Et ces salves ont démontré combien les Brigades Ezzedine al-Qassam, sa branche armée, ont amélioré leur armement: les missiles ont réussi à atteindre Tel-Aviv et Jérusalem. Même si neuf roquettes sur dix sont interceptées par le «Dôme de fer» des forces israéliennes, le rayon d’action et la profusion des armes tirées depuis Gaza ont valu au Hamas un prestige militaire jamais atteint auparavant.