Face au courage d’Israël, la voix de la France ne peut céder à la lâcheté
Monsieur François BAYROU
Premier Ministre
Hôtel de Matignon
57, rue de Varenne 75007 Paris
Paris, le 1er juillet 2025
Monsieur le Premier Ministre,
Dans son recueil de réflexions Regards sur le monde actuel, Paul Valéry écrivait en 1936 : « Le temps du monde fini commence », pressentant les bouleversements géopolitiques inéluctables, la fragilité de l’ordre international, la montée des totalitarismes qui allaient faire vaciller l’Europe et les moyens vertigineux de l’Homme pour concourir à sa propre fin. À cette époque déjà, l’Europe voyait s’effondrer les digues de la paix devant le réarmement de l’Allemagne nazie, en totale violation des traités et dans une indifférence tragique des démocraties occidentales.
Au nom de l’apaisement, et par excès de prudence, des efforts diplomatiques vains furent menés pour retarder l’inéluctable. Mais l’impuissance de la parole a laissé la place à la brutalité des faits et au déshonneur de ceux qui avaient préféré le dialogue au rapport de force, la crédulité coupable devant les engagements de l’ennemi à la responsabilité face à l’Histoire.
Près de quatre-vingt-dix ans plus tard, l’Histoire semble vouloir se répéter, non pas à l’identique, mais dans la logique profonde de ses ressorts éternels. Aujourd’hui, c’est la République islamique d’Iran qui défie l’ordre mondial. Dans une ère où l’arme nucléaire possède la capacité d’effacer des civilisations entières, son accès par un régime théocratique et islamiste, animé par une idéologie d’apocalypse et d’oppression, représente un danger d’ampleur globale.
Ce n’est pas seulement Israël qui est menacé, c’est l’Europe elle-même, dans sa proximité géographique, dans sa vulnérabilité stratégique, dans son refus catégorique de la confrontation, toujours bercée dans l’illusion des dividendes de la paix et de l’annihilation de la force par le droit, idéal à défendre mais qui s’effondre devant nous.
Les Gardiens de la Révolution iraniens, depuis plus de quarante ans, avancent patiemment, cyniquement, vers la possession de l’arme atomique, qu’ils envisagent non comme une garantie de paix mais comme un outil de sanctuarisation de leur régime, de pression et de destruction de leur antagonisme israélien, désigné à la face du monde comme la figure diabolique qu’ils se sont donné le devoir d’anéantir, dans une revitalisation géopolitique de la haine des Juifs ancestrale.
Face à un État qui viole en permanence le droit international, placé sous sanctions internationales depuis des décennies, nous ne pouvons laisser ce régime se réfugier derrière le droit pour se protéger. Le droit international n’est pas le refus de la puissance et de la guerre, mais l’encadrement des relations entre les États pour dissiper au mieux l’arbitraire et l’hubris tyrannique de ceux qui œuvrent à la déstabilisation de l’ordre international. Son instrumentalisation par des puissances prédatrices contre nos démocraties est une dérive dans laquelle la France ne doit pas sombrer.
Car l’Iran n’a jamais respecté le droit international. Il enrichit depuis vingt ans son uranium à des taux qui lui permettront de détenir, dans un futur proche, des dizaines d’armes atomiques, au mépris absolu des traités qu’il a ratifiés. Il arme impunément la Russie dans sa guerre d’agression en Ukraine. Il parraine et finance le terrorisme international qui a fait tant de dégâts au Moyen-Orient, mais aussi sur tous les continents, visant directement des soldats français via ses proxys, à l’instar de l’attentat du Drakkar en 1983. Il retient toujours deux de nos compatriotes en otage, Jacques Paris et Cécile Kohler.
Dans la nuit du 12 au 13 juin 2025, Israël a pris ses responsabilités devant l’Histoire, en lançant une attaque préventive contre les infrastructures nucléaires et balistiques iraniennes, plus tard appuyée par les États-Unis, afin d’empêcher que cette menace ne devienne irréversible. Cette opération, par sa gravité et sa témérité, marque un tournant dans l’histoire moderne.
La guerre ne survient jamais par choix. Elle est l’échec de la diplomatie, mais parfois aussi la seule voie qui reste pour empêcher le pire : « la continuation de la politique par d’autres moyens » selon la maxime de Clausewitz.
Il serait dans ce contexte irresponsable de continuer à croire que la diplomatie, à elle seule, suffirait à contenir les velléités de régimes qui méprisent le dialogue, nient le droit international et contredisent leurs engagements. La diplomatie, si elle veut être efficace, doit s’assortir d’un recours crédible au rapport de force au risque d’être exsangue, et d’être seulement encline « à faire durer indéfiniment les carreaux fêlés », comme le disait le Général de Gaulle. Il ne s’agit pas ici de céder à une logique de confrontation permanente, mais de reconnaître que le désarmement moral et physique de l’Occident encourage ceux qui veulent sa chute.
Depuis le bouleversement du monde acté par le traumatisme du 7 octobre dont l’Iran est directement responsable, Israël mène une guerre de légitime défense face aux proxys que les Mollahs arment et financent depuis des décennies pour assouvir leur effort de destruction. Comme vous l’avez maintes fois rappelé au Parlement face aux zélateurs de la haine d’Israël, la situation humanitaire connue aujourd’hui à Gaza est l’objectif cynique recherché par l’organisation terroriste lorsqu’elle a enclenché sa razzia djihadiste à vocation génocidaire en Israël, tuant près de 1200 personnes dont quarante-neuf français, kidnappant 251 otages dont cinquante sont toujours détenus, morts ou vivants, dans les geôles de Gaza, dans un élan de sadisme et de barbarie face auquel aucun pays du monde ne serait resté inerte.
Dans ce contexte, que le Gouvernement français annonce vouloir édifier une série de sanctions contre Israël, est tout à la fois incompréhensible, indigne et déshonorant.
Au Salon du Bourget, le Gouvernement a aussi cédé par lâcheté aux intimidations de la France insoumise, en murant les sociétés israéliennes sous des prétextes fallacieux de distinction entre armes offensives et défensives, qui n’existent que dans la nomenclature déconnectée des esprits de casuistes de l’administration française. Cette « distance » que vous avez daigné manifester à l’égard d’Israël à l’occasion du prestigieux salon consacrée à la défense aéronautique, où les entreprises israéliennes, en pointe du secteur, ont été honteusement barricadées, invisibilisées et ghettoïsées, n’est pas digne des enjeux historiques et des intérêts de la France.
Cette décision, au moment où Israël subissait les assauts de l’Iran qui visait indistinctement des civils sur son territoire, s’ajoute à la tentative unilatérale de la reconnaissance d’un État de Palestine par la France alors que les conditions de son existence, vous l’avez rappelé dans l’hémicycle, ne sont pas réunies, et ce, vraisemblablement, afin « apaiser les frustrations de la communauté musulmane », comme le mentionnait le rapport édifiant sur l’entrisme des Frères musulmans en France. Elle est surtout illégale et discriminatoire, constituant une plaie béante dans l’histoire des relations franco-israéliennes dont vous avez pourtant rappelé l’importance et la primauté lors de votre déclaration du 25 juin à l’Assemblée nationale.
Cette mise au ban d’Israël par la France, qui fait constamment l’objet de la pression du Président de la République, ne saurait ne pas être tempérée par le chef du Gouvernement que vous êtes, qui mène la politique étrangère de notre pays en coresponsabilité, conformément aux prérogatives qui vous sont conférées par la Constitution.
Monsieur le Premier Ministre, en 1979, lorsqu’une partie de la classe politique et intellectuelle française se réjouissait d’accueillir l’Ayatollah Khomeini, Raymond Aron s’écriait, seul contre la naïveté générale :
« Ils ont oublié que l’Histoire est tragique ».
Quarante-six années plus tard, l’occasion pour la France et l’Europe de soutenir moralement, intellectuellement et politiquement l’État d’Israël dans sa légitime défense – motivée en droit par la menace imminente du régime iranien et de ses proxys sur sa sécurité – ne doit plus être manquée. Quelques jours après un cessez-le-feu fragile imposé par les États-Unis, il est illusoire de penser que notre sécurité collective, indissociable de la liberté des Iraniens, puisse être garantie tant que ce régime et ses affidés prospèreront sur l’autel de nos renoncements.
Ne préférons pas l’ordre de la tyrannie des Mollahs à l’incertitude qui naîtrait de la libération des Iraniens.
Ne cédons pas aux intimidations de ceux qui ont fait de la haine d’Israël, en France, le cheval de Troie de l’idéologie islamiste qui vise à corrompre nos sociétés.
Ne nous fourvoyons pas, par lâcheté, par refus de la confrontation, et par une vaine tentative d’apaisement dont l’Histoire nous apprend qu’elle ouvre la voie des pires déroutes.
Sanctionner, discriminer et vilipender Israël sans mesure, c’est aujourd’hui concéder aux ennemis de la France que nous sommes de leurs côtés.
La singularité de la voix de la France dans le concert des nations ne pourra être garantie que si elle tient une ligne cohérente, lisible et fidèle à son Histoire, dont l’équilibre ne peut reposer sur la contradiction de ses positions.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de ma haute considération.
Arié Bensemhoun