Retour sur la suspension du projet de réforme judiciaire 

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Bonjour Arié. Vous revenez aujourd’hui sur la décision de Benjamin Netanyahou de suspendre jusqu’à la session d’été de la Knesset le projet de réforme judiciaire.

Quel enseignement peut-on tirer de cette situation de crise, sans précédent pour l’État d’Israël ?

Ce qui frappe, au-delà de la lucidité dont a fait heureusement preuve le Premier ministre, c’est la vitalité profonde de la démocratie israélienne, qui devrait tous nous inspirer, en Europe et tout particulièrement en France. Il n’a échappé à personne qu’Israël est traversé par les mêmes dynamiques sociales et politiques que les démocraties occidentales, en proie à des conflits de valeurs et de civilisation : équilibre et séparation des pouvoirs, protection des droits de l’homme et des minorités, tentations des extrêmes et du populisme…. Ce petit pays tant décrié nous offre, à son habitude, la plus belle leçon de résilience qui soit, à savoir la capacité à exprimer ses désaccords dans le respect de l’ordre, des institutions et des principes démocratiques pour tenter d’aboutir à un compromis, même si le scénario initial faisait craindre le pire : « un peuple israélien déchiré en morceaux », pour reprendre les mots de Benjamin Netanyahou lui-même.

Les manifestations n’étaient pourtant pas prêtes de s’arrêter au bout de treize semaines, après l’entrée en résistance de l’une des institutions les plus respectées du pays : Tsahal et la prise de position de nombreux hauts-gradés, pilotes et réservistes, puis la grève générale lancée à l’appel du principal syndicat national, la Histadrout, qui a mis le pays à l’arrêt mardi dernier. Une situation inédite dans l’histoire d’Israël, qui a contraint le Premier ministre à revenir sur son programme et à se ranger derrière l’avis de son ministre de la Défense Yoav Gallant, limogé la veille : suspendre le temps de Pessah, au moins, le projet de réforme judiciaire et relancer le dialogue avec les oppositions, à l’appel du Président Isaac Herzog.

L’unité nationale est pour l’instant sauvegardée et un espace de respiration démocratique a finalement été trouvé.

 

La démocratie israélienne n’a jamais été autant observée et parfois même admirée à l’étranger, il suffit de voir les articles qui sont consacrées à la mobilisation, surtout en France. Est-ce un message fort envoyé à tous ceux qui délégitiment Israël ?  

Bien entendu et cela donne tort aux antisionistes et antisémites de tout poil qui n’hésitent pas à répandre l’idée qu’Israël jouirait d’un statut particulier lui permettant d’échapper à toute critique et d’agir en toute impunité. C’est entièrement faux et même absolument le contraire car le double standard, que nous dénonçons, c’est Israël qui en fait les frais. Alors, quand on voit que les réactions des Israéliens eux-mêmes, des principaux amis et alliés d’Israël, mais aussi des organisations juives en pointe sur la défense des droits de l’homme et de la démocratie, on est en droit de se dire que les critiques, quand elles ne sont pas un prétexte pour délégitimer ou appeler au boycott d’Israël, sont normale et peuvent aussi être salutaires.

Cette mobilisation populaire réduit à néant toutes les accusations professées par les ennemis d’Israël, incapables de se hisser au niveau des valeurs morales de l’État Juif et confirme le caractère exceptionnel de la démocratie Israélienne.

 

Et au niveau diplomatique, peut-on dire que ce projet de réforme a eu des conséquences notables ?

Il est clair que les alliés occidentaux d’Israël, États-Unis en tête, sont particulièrement préoccupés par la situation et vont le rester tant que le compromis qui permettra de lever les hypothèques sur la préservation des grands principes de l’État de droit ne sera pas trouvé. Washington et Londres se sont d’ailleurs empressés de saluer l’annonce du Premier ministre et de rappeler leur attachement aux valeurs qui les lient à Jérusalem.

Sans ces exigences démocratiques très élevées, les relations bilatérales seraient très différentes. Israël est et restera un état Juif et démocratique vibrant et exemplaire.

En ce qui concerne les pays signataires des Accords d’Abraham, ce n’est pas tant la question du système démocratique qui est au cœur des préoccupations, mais les tensions au niveau sécuritaire et les déclarations récentes sur le peuple palestinien du ministre Smotrich, alors que le Ramadan a commencé et que la paix civile est plus que souhaitée en cette période mouvementée. Toutefois, la signature ce dimanche d’un accord douanier entre les ministres israélien et émirati des Affaires étrangères, amené à se concrétiser par un accord de libre-échange le 1er avril, et la visite hier de l’ancien Premier ministre Naftali Bennett aux Émirats arabes unis, viennent contredire un éventuel refroidissement sérieux des relations entre les deux pays et montre que le contexte a un impact limité sur la normalisation, qui se poursuit.

Mais la diplomatie ne peut être forte si elle ne s’appuie pas sur une situation stable à l’intérieur. C’est donc tout un chantier, sur deux fronts, qui attend Benjamin Netanyahou dans les semaines à venir pour remettre les priorités de son gouvernement à la bonne place.

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