Nations unies à la dérive, l’autre dynamique de décivilisation

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Bonjour Arié. Vous souhaitez revenir aujourd’hui sur les dérives onusiennes et la République islamique d’Iran …

Bonjour Léa. Oui, car qui aurait pu croire que l’un des régimes les plus décriés au monde puisse se retrouver aujourd’hui à la tête de certains organes des Nations unies ?

On ne parle pas de missions dérisoires qui auraient été confiées à la République islamique mais bien de responsabilités à la charge symbolique très forte.

Rappelons-les : présidence du Forum social du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies depuis le 10 mai, vice-présidence de l’Assemblée générale lors de sa 78e session et porte-parolat de la Première commission de l’ONU (sur le désarmement) depuis le 1er juin. Ces nominations sont tout simplement scandaleuses car elles interviennent au moment où la répression de la révolte, et notamment contre les femmes, que connaît le pays depuis septembre dernier et la course à l’arme nucléaire par les mollahs se poursuivent.

C’est donc un véritable blanc-seing pour des dirigeants qui peuvent ainsi parader en totale impunité sur la scène internationale, tout en continuant d’emprisonner, de condamner, d’empoisonner et d’exécuter leur population.

C’est révoltant et inquiétant !

Les Iraniens qui continuent de lutter pour la liberté et le respect de leurs droits fondamentaux posent eux-mêmes cette question : de quel côté se tient l’ONU ? Celui des peuples ou des régimes dictatoriaux ?

 

Pourtant l’Organisation des Nations unies a une mission particulière. Est-elle à la dérive ?

C’est en effet, le moins que l’on puisse dire.

À la fin de la Première guerre mondiale, les bases d’un nouvel ordre mondial ont été posées. Les conséquences de la seconde ont prouvé la nécessité de consacrer par le droit la préservation de la paix, de la sécurité et des droits de l’homme. C’est en somme ce que dit la Charte des Nations unies, ratifiée par ses membres. Et pourtant, nombre d’États voyous s’en émancipent, pariant sur la déstabilisation de cet ordre mondial dans leur course à la puissance. D’aucuns diront que la fracture évoquée précédemment existait déjà pendant la guerre froide, entre bloc de l’Ouest et celui de l’Est constitué autour de l’URSS, duquel bon nombre de pays non-alignés se sont rapprochés. Ou encore, que le but poursuivi par les Nations unies est inatteignable, au regard de la réalité des relations internationales. C’est oublier que les États membres, régimes dictatoriaux en tête, restent malgré tout tenus par les traités qu’ils ont signés, mais qu’ils ont réussi à détourner l’ONU de sa vocation originelle et à trahir ses valeurs.

Peut-on dire alors, que le « processus de décivilisation » dont a parlé le Président de la République, est déjà à l’œuvre dans les organisations internationales ?

Lorsque Norbert Elias, grand penseur du politique, a forgé ce concept, il s’est appuyé sur son observation de la régression allemande face à la barbarie nazie, pour expliquer que les sociétés les plus développées ne sont pas protégées du basculement vers l’inhumain. Si la civilisation est précisément l’idée que toute société humaine avance grâce au progrès matériel, moral et culturel, il nous semble très facile de dire en tant qu’Occidentaux, que son contraire est ce qui s’opère en Iran, en Russie, en Chine, en Corée du Nord et dans bien d’autres États autoritaires.

Mais cette banalisation de la violence appliquée aux relations internationales (agressions territoriales et violations des droits humains les plus élémentaires) nous touche avant tout, avec cette déliquescence progressive du civisme dénoncée récemment par le Président de la République. Les Nations unies ne font que refléter, à une autre échelle, la situation actuelle de bon nombre de nos sociétés. En effet, la « décivilisation » au sein des institutions internationales ne saurait faire oublier ce qui la rend possible : l’hypocrisie des grandes puissances, notamment des démocraties libérales, quand il s’agit de tenir un positionnement ferme face à l’instrumentalisation des valeurs qui sont pourtant le socle de l’organisation de la communauté internationale.

Face aux 159 régimes autoritaires que comptent les 193 membres des Nations unies, une démocratie en fait d’ailleurs les frais : l’État d’Israël. C’est un signe qui ne trompe pas.