Leçons de la Rafle du Vél d’Hiv, 81 ans après

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Bonjour Arié. Vous souhaitez revenir aujourd’hui sur la commémoration de la Rafle du Vél d’Hiv, qui s’est tenue ce dimanche. Que peut-on en retenir selon vous ?

Bonjour Léa. Comme chaque 16 juillet, la France a honoré la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites commis par le régime dit de Vichy et rendu hommage aux Justes de France, au cours d’une cérémonie organisée conjointement par le ministère des Armées et le Crif, en présence notamment de Madame Patricia Mirallès, Secrétaire d’État auprès du Ministre des Armées, et de Monsieur Clément Beaune, Ministre délégué auprès du Ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.

Les 16 et 17 juillet 1942, le gouvernement de Vichy commettait l’irréparable : 13 152 hommes, femmes et enfants juifs étaient arrêtés par la police française, avant d’être envoyés dans les camps de la mort.

Bien que cette tâche indélébile fasse partie intégrante de l’histoire de France, l’État a mis plus de 30 ans pour reconnaître sa responsabilité dans la déportation des Juifs et des Tsiganes et sa collaboration avec l’occupant nazi. Il a fallu attendre 1995, on s’en souvient, avec le discours du Président de la République de l’époque, Jacques Chirac, pour que cela soit fait et dit.

Dimanche dernier, l’accent a été mis sur la nécessité de faire perdurer la mémoire, à l’heure où les derniers témoins s’éteignent, la lutte contre l’antisémitisme, le racisme et la xénophobie et le combat contre les extrêmes, à l’heure de la montée des populismes. En rappelant les origines de la création de l’ex-FN et la responsabilité de LFI dans l’ascension durable de ce dernier, Yonathan Arfi a su nommer les choses, ce qui n’a pas manqué de susciter l’ire de Jean-Luc Mélenchon, preuve qu’il a visé juste.

 

Justement, que révèle cette prise à partie de Jean-Luc Mélenchon ? 

Cet énième dérapage du leader insoumis, qui a assimilé le président du Crif à l’extrême droite en l’accusant d’instrumentaliser la question de la mémoire et à travers elle, la lutte contre l’antisémitisme, est la preuve, s’il en fallait, que l’extrême gauche, par ses outrances, se fait l’allié objectif de l’extrême droite.

Ce constat, tout à fait lucide, est partagé par tous ceux qui craignent pour la République et qui parviennent à mettre de côté leurs différends le temps de commémorations majeures où l’union sacrée est de mise.

Mais Jean-Luc Mélenchon, habitué aux provocations en tout genre, est parvenu à faire en sorte que le fossé se creuse un peu plus chaque jour entre ses fidèles, partisans comme lui d’une stratégie du chaos, et le reste de la gauche, qui s’est clairement désolidarisée de ses propos. Pourtant, cette polémique n’a pas que mis en lumière ce fossé idéologique. Elle a révélé de manière bien plus profonde la ligne de fracture qui parcourt la société française dans son ensemble.

 

Peut-on faire un parallèle entre la France de 1942 et celle d’aujourd’hui ?

Une chose est sûre : les moments traumatiques de l’histoire appellent toujours des diagnostics et des examens de conscience. En 1942, comme l’a si bien exprimé Serge Klarsfeld, la scission était la suivante : « Pour nous, orphelins, il y avait deux France, celle de ceux qui ont déporté et celle des Justes ».

En effet, si la Rafle du Vél d’Hiv est un point de bascule, elle est aussi un point de départ, duquel découle tout un récit national, avec son lot de gloires et de trahisons. Telle est la matrice, 81 ans après, du combat pour l’universalisme républicain, qui inclut et protège, contre le communautarisme identitaire qui exclue et divise, qu’il soit d’extrême-droite ou d’extrême-gauche.

Car les héritiers de la collaboration, dans la France de 2023, sont autant ceux qui veulent faire croire que leur parti n’est pas antisémite, que ceux qui instrumentalisent cette question, pour faire croire qu’ils ne le sont pas, alors qu’ils haïssent Israël et les Juifs.

La polémique autour de cette commémoration n’est donc pas anodine car elle remet sur le devant de la scène les défis auxquels la France d’aujourd’hui est confrontée : capacité à nommer sans concession les maux qui mettent en péril l’unité nationale et intransigeance sur le socle des valeurs républicaine, entre autres. Et c’est dans l’histoire, la mémoire et la résistance, que les ressources nécessaires pour affronter les extrêmes peuvent être tirées.