Après plus de 100 jours de combats, le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, a déclaré que la guerre était entrée dans sa « troisième phase ». Quelle est la situation sur le terrain ?
Bonjour Ilana. La bande de Gaza ne fait que 365 km² et manque donc de profondeur stratégique. Et, bien que les centaines de kilomètres de tunnels construits au fil des années posent des défis à l’armée israélienne, leur destruction systématique signifie que les chefs et les terroristes du Hamas ne pourront pas s’y terrer indéfiniment.
Avec Israël ayant un contrôle total sur les entrées et sorties de la bande de Gaza et la frontière avec l’Égypte étant verrouillée, l’approvisionnement externe du Hamas dépend uniquement des détournements des convois humanitaires. Même s’ils détournent cette aide destinée à leur population pour alimenter leur guerre contre Israël, et bien que le groupe terroriste se soit préparé depuis des années à un conflit direct, accumulant un stock important de matériel, il est inévitable que le Hamas épuise ses ressources à terme et ne puisse pas compenser ses pertes humaines. Donc, malgré des salves de rockets qui s’abattent encore sur le territoire israélien et même s’il reste bcp à faire pour nettoyer Gaza et finir d’asphyxier les terroristes, les jours du Hamas sont comptés.
Tsahal doit à présent se préoccuper sérieusement d’une menace plus importante qui pèse sur l’État d’Israël : le Hezbollah.
Justement, cette guerre est-elle inévitable ?
Si les combats contre le Hezbollah ont débuté dès le lendemain des attaques du Hamas, le 8 octobre, par des tirs de missiles sur des positions israéliennes en soutien aux alliés palestiniens, jusqu’à présent, ce conflit se limite à des échanges de tirs de part et d’autre de la frontière.
Certes, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, n’hésite pas à escalader verbalement et répéter ses menaces contre Israël, mais la milice chiite semble à tout prix vouloir éviter la guerre. Ils n’ont pas intensifié le conflit lorsque Israël a éliminé un des chefs du Hamas, Saleh Al-Arouri, lors d’une frappe ciblée à Beyrouth le 2 janvier dernier, même si cette action revêtait un caractère humiliant. Une vulnérabilité clairement identifiée par Israël, qui saisit cette opportunité pour exiger le respect de la résolution 1701 du Conseil de Sécurité de l’ONU, qui oblige le Hezbollah à reculer derrière le fleuve Litani. C’est d’ailleurs, la condition « sine-qua-non » pour que les plus de 100.000 israéliens déplacés puissent retourner chez eux. Sinon, ce sera la guerre !
N’oublions pas enfin, que « l’Axe de la Résistance » dirigé par l’IRAN, cette alliance militaire, dont font partie le Hamas, le Hezbollah et les Houthis, ainsi qu’une multitude de milices chiites, représente une force militaire de plus de 200.000 combattants. L’Iran a donc tout à perdre après avoir consacré plus de deux décennies à développer son programme nucléaire et à construire son influence et ses alliances dans la région. Le pire n’est donc pas certain mais il est préférable de s’y préparer.
Dans ce contexte, est-il raisonnable, selon vous, de parler de paix ?
Beaucoup aux États Unis et en Europe font imprudemment preuve de précipitation et sont tentés de profiter de la situation pour imposer à Israël la « Two State Solution ». Ce serait une grave erreur.
D’abord parce que les Palestiniens n’en veulent pas et n’en ont jamais voulue ; et que les Israéliens n’en veulent plus… pour l’instant du moins :
Dans une enquête réalisée par l’Arab World for Research and Development, entre le 31 octobre et le 7 novembre dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, 75% des Palestiniens exprimaient leur soutien aux attaques du 7 octobre perpétrées par le Hamas, dont 59% déclaraient « soutenir pleinement » les massacres. Seulement 13% disaient s’y opposer.
D’après le Centre Palestinien de Recherche et d’Enquêtes à Ramallah, 60% des Palestiniens de la bande de Gaza et 70% des Palestiniens de Cisjordanie considèrent la lutte armée comme « la solution » pour mettre fin à « l’occupation » représentée par l’existence d’Israël.
En 2013, 68% des Israéliens s’exprimaient en faveur d’une solution à deux États ; aujourd’hui, après le 7 octobre, 74% s’expriment contre cette idée. Sans doute la fin des illusions.
Ne nous leurrons pas, une paix durable entre Israéliens et Palestiniens ne pourra voir le jour qu’après une déradicalisation complète de la société palestinienne, semblable à la dénazification opérée par les Alliés en Allemagne à partir de 1945, et uniquement dans le cadre d’une paix globale, avec les États arabes de la région.