Deux Etats pour deux peuples : autopsie de l’échec de la politique européenne.

Share on facebook
Share on twitter
Share on linkedin
Share on print
Share on email

Arié Bensemhoun, vous souhaitez aujourd’hui revenir sur un sujet qu’on analyse assez peu et qui est pourtant crucial : la vision européenne du conflit israélo-palestinien et de la solution à deux Etats…

Je souhaiterais mettre en lumière le travail remarquable réalisé par un think tank hollandais dont ELNET est partenaire : thinc., et qui vient de publier un ouvrage fondamental, me semble-t-il, sur l’échec de la politique européenne en faveur de la « Two states solution » deux états pour deux peuples.

Des institutions telles que l’ONU et l’UE ont entrepris des efforts acharnés pour la création d’un État palestinien. Toutefois, malgré un demi-siècle d’apports financiers et de soutiens diplomatique et politique, la réalité actuelle est qu’il n’y a pas d’État palestinien indépendant et démocratique et qu’au train où vont les choses, il n’y en aura pas un de si tôt. Au lieu de cela, le processus de paix n’existe plus et les risques sécuritaires ne font malheureusement qu’augmenter à tel point que nous sommes au bord de l’explosion.

Le rapport de thinc. montre que les raisons de l’échec de la politique des deux États sont conceptuelles, juridiques et pratiques et propose des recommandations pour une nouvelle approche.

Les perceptions originelles du conflit israélo-palestinien par l’Europe sont-elles erronées ?

Oui absolument. La première erreur est d’ordre conceptuel : le conflit israélo-palestinien serait territorial et non existentiel. La deuxième erreur est une hypothèse juridique − que la Cisjordanie appartiendrait légalement aux Arabes palestiniens. La troisième erreur est une hypothèse pratique − qu’un État palestinien pacifique et démocratique à part entière est réalisable. Ce sont là des inepties dont la réalité témoigne tous les jours pour qui voudrait la regarder en face.

Les droits des Palestiniens à l’autodétermination doivent être respectés, mais ils ne peuvent entrer en conflit avec le droit international, ni être autorisés à porter atteinte à la souveraineté israélienne ou à la stabilité régionale. Un règlement réussi de ce conflit ne peut être obtenu que par le rejet de l’extrémisme et l’acceptation mutuelle des deux parties ; l’application juste et équitable du droit international à tous les acteurs de la région ; la promotion de la coopération régionale et la normalisation des relations avec Israël ; et le renforcement des institutions gouvernementales palestiniennes fondées sur l’État de droit. Nous en sommes à des années lumières !

On accuse souvent Israël de ne pas respecter le droit international mais là encore il s’agit dans le rapport que vous citez d’un moyen d’exonérer les Palestiniens de leurs responsabilités ?

Il y a un silence coupable de la part des organisations internationales et de l’UE qui ne cessent de protéger les Palestiniens en les dédouanant de tout mais surtout en cautionnant les mensonges et les détournements et manipulations juridiques.

Ainsi, l’affirmation de l’UE selon laquelle les Palestiniens ont droit à un État à Jérusalem-Est et en Cisjordanie repose sur une lecture biaisée et incorrecte du droit international que l’UE n’applique à aucun autre conflit ou situation d’occupation comparable dans le monde. Ce double standard dès lors qu’il s’agit d’Israël est insupportable, injuste et d’ailleurs illégal.

L’État de droit exige de l’UE qu’elle interprète et applique les concepts de droit international relatifs au statut d’État, à la souveraineté territoriale, à l’autodétermination et à l’occupation de manière équitable, objective et cohérente à tous les acteurs de la région, y compris Israël et les Palestiniens.

Les Palestiniens ont un droit à l’autodétermination (y compris l’autonomie), mais pas un droit a priori et absolu à un État à part entière. L’UE doit également reconnaître les droits légitimes d’Israël sur ces territoires et ne pas traiter les Palestiniens différemment de tous les autres groupes de population.

Comment aider l’UE à sortir de ce schéma qui condamne inévitablement à une impasse ?

Elle doit prendre conscience que la position d’Israël au Moyen-Orient a radicalement changé depuis 1967. Israël n’est plus isolé ; au contraire, il joue un rôle central dans la région. Israël a conclu des traités de paix avec l’Égypte et la Jordanie, et les récents Accords d’Abraham témoignent des liens économiques, culturels et politiques étroits qu’entretient Israël avec plusieurs pays du Moyen-Orient et d’Afrique.

Les relations UE-Israël montrent également aujourd’hui les signes d’un processus de revitalisation. Rappelons qu’il y a deux mois, s’est tenue la première réunion en une décennie du Conseil d’association UE-Israël (il avait été suspendu en 2012).

En juin 2022, un important protocole d’accord de l’UE a été signé avec Israël et l’Égypte pour permettre à l’UE d’importer du gaz naturel israélien afin de sécuriser les approvisionnements énergétiques européens. C’est donc là que se joue l’avenir de la paix dans la région et non dans une lecture obsolète du conflit qui condamnera les Palestiniens à un immobilisme dans lequel ils se confortent un peu plus chaque jour.

Ecoutez le podcast en cliquant ici