« Après Jénine, quel avenir pour l’Autorité palestinienne ? »

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Bonjour Arié. Vous nous parlez aujourd’hui des conséquences pour l’Autorité palestinienne du raid de Tsahal la semaine dernière à Jénine…

Bonjour Léa. Suite à l’opération contreterroriste « Home and Garden » menée par Tsahal la semaine dernière dans le camp de réfugiés de Jénine, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas cherche à réasseoir son autorité, afin d’empêcher le Hamas de prendre le contrôle à Jénine, comme il l’avait fait à Gaza en 2007. En effet, le raid de Tsahal dans cet épicentre du terrorisme en Cisjordanie a mis en lumière l’incapacité de l’Autorité palestinienne à juguler la menace, laissant se renforcer le Hamas et le Jihad islamique – dont se réclament près de la moitié de la population – et prospérer d’autres groupuscules.

Le Fatah, composante majoritaire de l’OLP, perd de jour en jour du terrain et l’autorité de son président Mahmoud Abbas est de plus en plus décriée et la visite éclair qu’il vient d’effectuer à Jénine où il n’avait pas mis les pieds depuis 10 ans ne s’est pas passée sans incident. Les comités régionaux du parti affirment que le Hamas prépare le terrain pour prendre le contrôle de toute la Cisjordanie et pousse les habitants à déclencher des affrontements avec les responsables sécuritaires. La tâche est ardue pour Mahmoud Abbas : déployer dans la ville ses forces de sécurité sans entrer en conflit avec la population, tout en écrasant toute tentative de défiance à son égard. L’AP, en proie à l’incurie et à la corruption, est au bord de l’effondrement.

 

Justement, le gouvernement israélien ne souhaite-t-il pas empêcher l’effondrement de l’Autorité palestinienne ? 

Le gouvernement israélien souhaite en effet empêcher l’effondrement de l’AP en Cisjordanie, la crainte étant un deuxième Gaza. Seulement, un tel maintien à flots nécessite quelques conditions. Benjamin Netanyahou prévoit d’agir mais sans renoncer à l’exigence que l’AP mette fin à « ses actions contre Israël sur la scène internationale ». En effet, Mahmoud Abbas est l’acteur principal de la délégitimation d’Israël au sein des Nations-Unies, accusant depuis longtemps l’État hébreu de tous les maux et n’assumant aucune responsabilité dans l’enlisement du conflit. Le Premier ministre exige également, et à juste titre, la fin de l’incitation à la haine dans les médias et dans le système éducatif, la fin des subventions aux familles des terroristes et l’arrêt des constructions sauvages dans la zone C (sous contrôle Israéliens conformément aux Accords d’Oslo) : autant de réalités sur lesquelles la communauté internationale choisit de fermer les yeux.

En échange, le gouvernement songerait à créer des zones industrielles pour les Palestiniens en zone C ainsi qu’à d’autres mesures économiques afin de favoriser leur vie quotidienne, mais sans en préciser encore les détails. Ces solutions économiques sont un moindre mal en l’absence de changements réels au niveau politique.

 

La question de la succession de Mahmoud Abbas est évoquée depuis un moment, notamment par la France…

Emmanuel Macron se désole de l’impasse persistante du dossier israélo-palestinien et ne s’en cache pas. L’an passé, il a reçu Benjamin Netanyahou puis Mahmoud Abbas à l’Élysée, notamment après les diverses flambées de violence à Jérusalem et en Cisjordanie, qui continuent d’émailler l’actualité. On sait que le président de l’Autorité palestinienne, qui s’accroche à son pouvoir et repousse toutes nouvelles élections législatives, est dans sa ligne de mire.

Le Président aurait ainsi réclamé, en février dernier, que les cinq anciens et actuel consuls généraux de France à Jérusalem, les cinq anciens et l’actuel ambassadeur de France à Tel-Aviv et les cinq anciens et actuel patrons de la DGSE, établissent, chacun de leur côté, une liste de successeurs potentiels à Mahmoud Abbas.

Mais la situation actuelle pourrait changer la donne : le gouvernement israélien lui-même a dû inverser sa politique initiale à l’égard de l’AP, après les événements récents à Jénine. La question qui se pose est donc la suivante : comment soutenir un régime décrié et à bout de souffle, comme solution de moindre mal au chaos ? Le pari est risqué – comme ont pu le montrer les différents soulèvements populaires dans bon nombre de pays de la région – mais semble nécessaire, au moins à court terme.