Israël: l’extrême droite en position de faiseur de rois aux législatives (Thierry Oberlé – Le Figaro)

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Les candidats ultra-nationalistes et ouvertement racistes devraient faire une entrée en force à la Knesset.

«Votez pour nous, nous tuerons mille terroristes.» La banderole tendue sur les balcons d’un appartement du shouk de Mahane Yehuda, le marché de Jérusalem, affiche, sans détours, les ambitions de Otzma Yehudit, la Force juive. Son clip de campagne est de la même veine. On y voit sur un air de musique entraînante un Palestinien, désarmé par un religieux, se prendre un couscoussier sur le visage avant d’être jeté dans une poubelle. Les disciples du rabbin Kahane, la figure historique des suprémacistes juifs assassiné à New York en 1990, assument leur radicalité.

«Oui, nous sommes des extrémistes parce que la vérité est extrême», précise Baruch Marzel, un des leaders du mouvement, devant un parterre d’Israéliens francophones venus l’écouter dans une synagogue de Jérusalem. «Je n’ai jamais varié sur mes positions. Je n’ai jamais renié mes idées. Je suis resté le même», dit ce colon de 61 ans à la barbe broussailleuse. Voici quelques années, Baruch Marzel avait organisé une cérémonie à la mémoire de Baruch Goldstein, l’auteur du massacre du Caveau des Patriarches à Hébron en 1994 qui avait tué 28 Palestiniens dans la salle des prières. Lui et les siens sont favorables à un grand Israël et à l’expulsion des Palestiniens de Cisjordanie et des Arabes d’Israël. «Je propose à la France de nous donner ses Juifs contre nos Palestiniens puisqu’elle aime bien ces gens-là», avance Baruch Marzel.

En mars, la Cour suprême, la plus haute juridiction de l’État hébreu, a invalidé la candidature de la tête de liste du parti, Michael Ben-Ari pour «racisme anti-arabe». Il affirme devant la synagogue ne pas l’être et veut «libérer» le pays de cette institution. Il entend également «nettoyer» l’esplanade des Mosquées, le troisième lieu saint de l’islam, appelé le mont du Temple par les juifs. «Le second Temple sera reconstruit. Les musulmans ont volé le mont du Temple, ils doivent le rendre. Les musulmans prient en direction de La Mecque et bien ils n’ont qu’à y aller», explique ce rabbin interdit de séjour aux États-Unis en raison de son ancienne appartenance à une organisation classée terroriste, le Kach, la formation de Meir Kahane. Sa disqualification a mis en avant un avocat au profil aussi controversé.

Itamar Ben Gvir est entré au barreau, confie-t-il, sur les conseils des juges qui l’ont inculpé à 53 reprises. Il est le défenseur des «jeunes des collines», ces gamins à la dégaine de hippies en rupture avec la société qui errent en Cisjordanie occupée en quête de coups de main contre les agriculteurs palestiniens et ont maille à partir avec les forces de sécurité israélienne. «Il existe un racisme antijuif sur la terre d’Israël. La police antiterroriste détruit nos cabanes en Judée-Samarie (la dénomination israélienne de la Cisjordanie, NDLR) alors que l’on ferme les yeux sur des campements illégaux de Bédouins», assure-t-il. «Nous voulons une droite authentique pour imposer le changement.»

Ben Gvir, Marzel et les autres sont adulés dans leur fief de Kiryat Arba, une implantation juive installée au cœur de Hébron, une ville palestinienne de 200.000 habitants. Quelques centaines de colons y vivent sous tension protégés par l’armée israélienne.

Une vingtaine de sièges pour la droite de la droite

Otzma devrait faire son entrée à la Knesset et espère obtenir un portefeuille ministériel. Le parti a formé pour les législatives avec deux autres organisations plus modérées l’Union des partis de droite. L’alliance est créditée par les sondages de cinq sièges. Benyamin Nétanyahou a contribué à la conclusion du pacte pour éviter un éparpillement des voix et consolider le bloc de droite afin de former en cas de victoire une coalition gouvernementale. Son initiative avait provoqué la polémique, ses adversaires l’accusant de légitimer une idéologie raciste. Elle pourrait au lendemain du scrutin poser un casse-tête au premier ministre sortant pourtant rodé aux manœuvres complexes. Quatre listes concurrencent son parti, le Likoud. Chacune d’entre elles est susceptible de jouer le rôle de faiseur de rois et de faire monter les enchères. Au total, la droite de la droite pourrait rafler une vingtaine de sièges contre 25 à 30 pour le Likoud. «La configuration serait nouvelle dans l’histoire politique du pays. Le parti de gouvernement devrait composer non pas avec un ou deux satellites mais avec un second pilier», analyse le politologue Denis Charbit. «La tendance est à l’hégémonie idéologique de la droite nationaliste. Les partis religieux ou semi-religieux mettent en avant leur enracinement à droite ou leur caractère identitaire. De stricte observance, leurs candidats ont la conviction qu’ils peuvent mieux rassembler sur ce créneau», poursuit-il.

Naftali Bennett, le ministre de l’Éducation, et Ayelet Shaked, la ministre de la Justice, ont ainsi lancé leur propre mouvement baptisé la Nouvelle Droite. Ayelet Shaked, la jolie et ambitieuse coqueluche du parti a marqué la campagne avec un clip vantant un parfum fictif appelé ironiquement «Fascisme». Dans la vidéo inspirée des codes des publicités pour les produits de luxe, elle s’asperge de la fragrance et fait la moue. «Pour moi, c’est le parfum de la démocratie», dit-elle. Une réponse à ses détracteurs qui l’accusent de vouloir saper les fondements de l’État de droit. Elle chasse sur les mêmes terres qu’Avigdor Lieberman, le chef du parti russophone Israel Beitenou. Ancien ministre de la Défense, il avait démissionné en novembre de son poste pour protester contre la politique de Benyamin Nétanyahou jugée trop conciliante à l’égard du Hamas à Gaza.

Mais la surprise risque de venir de Zehut, une curieuse formation alliant messianisme sioniste, ultralibéralisme et légalisation du cannabis. Parti fourre-tout composé de religieux et de libertariens, Zehut a l’ambition de libérer la société de ses pesanteurs et prévoit d’inciter les Palestiniens à partir en leur donnant un pécule. Son fondateur, Moshe Feiglin est un vieux routier de la droite sioniste religieuse. En tournée à Jérusalem, il a arpenté les allées du shouk Mahane Yehuda avec ses partisans qui ont repris en chœur le slogan «Shouk Confi» (marché libre) et a fini sa soirée par un crochet dans un bar underground fréquenté par des consommateurs de «cigarettes qui font rire»…