Publié le 04/10/2025 à 11h30
Céline Bardet ne manque pas d’expérience. Juriste internationale, elle a combattu les violences sexuelles dans des dizaines de pays en crise, de la Bosnie à l’Ukraine, en passant par le Rwanda. Elle a pourtant été surprise par les réactions qui ont suivi le travail de son ONG, We are not Weapons of War, sur les viols commis par le Hamas le 7 octobre 2023.
« Des associations féministes, qui savent à quel point ces crimes sont difficiles à établir et nous avaient toujours crus sur parole, demandaient des preuves. »
La figure fantasmée du Palestinien ne peut plus être contestée dans la sphère humanitaire. Comme le rappelle Vincent Chebat, directeur du département francophone de l’ONG israélienne NGO Monitor, « les organisations palestiniennes membres de la Fédération internationale des droits de l’homme ont lancé des accusations de famine et de génocide contre Israël dès le 8 octobre 2023, et la FIDH a repris ce discours dès novembre. » Si la situation a beaucoup évolué depuis, rien ne permettait, à l’époque, de soutenir une telle accusation…
La Fédération internationale des journalistes est sur la même ligne. D’ordinaire très méfiante envers la propagande étatique, elle refuse de reconnaître que certains Palestiniens tués à Gaza un appareil photo à la main n’étaient pas des journalistes mais des communicants du Hamas – y compris quand le mouvement en a dressé lui-même la liste et les revendique comme martyrs.
Une hostilité ancienne
Cette indulgence ne s’arrête pas aux ONG : elle imprègne aussi les institutions internationales.
L’Unrwa, censé protéger les réfugiés palestiniens, est accusé par Israël d’être infiltré par le Hamas et le Jihad islamique. Selon les services israéliens, près de 10 % de ses employés à Gaza auraient des liens avec ces groupes. Des tunnels ont été découverts sous ses locaux, des armes dans ses écoles. Après le 7 Octobre, une enquête interne de l’ONU a confirmé l’implication directe de plusieurs employés dans les massacres ; ils ont aussitôt été licenciés.
À l’ONU, la rapporteuse spéciale Francesca Albanese a multiplié depuis 2022 les déclarations polémiques, allant jusqu’à écrire, après le 7 Octobre, que les victimes israéliennes n’avaient pas été tuées « à cause de leur judaïsme mais en réaction à l’oppression d’Israël ». Ses rapports accusant Israël de « génocide » ont été accueillis avec ferveur par certains milieux militants, en dépit de leurs biais manifestes.
La commission d’enquête du Conseil des droits de l’homme, présidée par la Sud-Africaine Navi Pillay, a publié en septembre un rapport très offensif qualifiant les actions israéliennes de « génocide »… aussitôt critiqué : depuis plus de quinze ans, l’ancienne haut-commissaire aux droits de l’homme qualifie les opérations israéliennes de « crimes contre l’humanité » et reprend à son compte le vocabulaire de l’« apartheid ». Pour ses détracteurs, le rapport serait l’aboutissement d’une hostilité ancienne, maquillée en expertise juridique.
Des prises de position ahurissantes
Le monde du spectacle a, lui aussi, vite embrassé la cause palestinienne. Le Festival de Flandre de Gand a annulé la venue de l’Orchestre philharmonique de Munich parce que son chef, l’Israélien Lahav Shani, n’avait pas condamné « clairement » le « régime génocidaire de Tel-Aviv ». L’affaire a fait grand bruit.
En revanche, la déprogrammation de Shie Mannor, sommité de l’IA, lors d’un colloque organisé par HEC, l’Inria et Polytechnique, est passée inaperçue. Son tort ? Avoir effectué son service militaire obligatoire au sein de Tsahal il y a… vingt-cinq ans. Une plainte a été déposée et le ministère de l’Enseignement supérieur saisi. Était-ce par peur des réactions des étudiants ?
« Ils sont propalestiniens et très virulents, mais leurs connaissances sont superficielles : on peut retourner un amphithéâtre en deux heures », relativise un intervenant à Sciences Po Lille.
Retourner ou endoctriner ? Willy Beauvallet-Haddad, maître de conférences à Lyon-2, a posté plusieurs messages rendant hommage à Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah tué en 2024, présenté comme héros de « la grande cause (palestinienne et arabe) ». Démissionnaire de ses fonctions exécutives après la révélation de ces messages, il a gardé son poste et réaffirmé son engagement.
Hormis quelques figures comme Bernard Rougier, Gilles Kepel, Pierre Vermeren, Fabrice Balanche ou Florence Bergeaud-Blackler, l’assimilation des Palestiniens aux opprimés anticoloniaux domine dans l’université française. Elle débouche parfois sur des prises de position ahurissantes.
Début 2024, l’islamologue François Burgat écrivait ainsi :
« J’ai infiniment, je dis bien infiniment, plus de respect et de considération pour les dirigeants du Hamas que pour ceux de l’État d’Israël. »
Et, comme le déplore un collègue, « Burgat a formé de nombreux diplomates actuellement en service. »
Des « profils problématiques » entrés en France
Le consulat français de Jérusalem-Est est souvent pointé du doigt.
« Ce n’est pas un consulat pour les Français d’Israël, résume un diplomate. C’est une ambassade officieuse auprès des autorités palestiniennes. »
En août 2025, ce consulat a été critiqué pour avoir laissé passer vers la France une certaine Nour Atallah, étudiante inscrite pour la rentrée à Sciences Po Lille (et que le directeur de l’institut lillois hébergeait à son domicile !). Il est apparu qu’elle avait posté sur les réseaux sociaux des messages antisémites et à la gloire du Hamas.
Un an et demi plus tôt, Nicolas Kassianides, fraîchement nommé au poste de consul général de France à Jérusalem, avait présenté ses lettres de créance… au chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas ; l’initiative avait ulcéré les autorités israéliennes, qui y avaient vu une reconnaissance implicite d’un État palestinien et une provocation diplomatique.
D’après un autre diplomate, bon connaisseur de la maison, toutefois, l’incident ne prouve pas nécessairement un noyautage pro-Hamas.
« Le consulat a manqué de vigilance en faisant entrer en France des profils problématiques, c’est évident. Mais attention : il propose et le ministère des Affaires étrangères dispose. Les expatriés ont-ils de la sympathie pour le monde arabe ? Oui, comme les diplômés de russe qu’on envoie à Moscou ont de la sympathie pour la Russie, ni plus, ni moins. »
Selon la même source, en réalité, le mal est plus profond qu’un simple noyautage :
« Avec la Cisjordanie, on contrôle encore un peu la situation, mais tous les Palestiniens que le consulat sort de Gaza sont présélectionnés dans sa propre nomenklatura par le Hamas, sans exception. C’est terrible. On accueille des enfants de tortionnaires, et un tas de crétins en France applaudissent, convaincus qu’on n’en fera jamais trop pour les Palestiniens ! »
La seule solution, à ce stade, serait radicale :
« Il vaudrait mieux couper tout, n’accueillir personne » en provenance de Gaza.
Et c’est sans doute là que le palestinisme ambiant se révèle très nocif. Une telle décision serait perçue comme criminelle.