Un État palestinien ? C’est aujourd’hui de la pure science-fiction

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Vingt ans d’échecs, deux factions rivales, un pays inexistant… L’Occident feint d’y croire, mais sur le terrain, il n’y a rien qui ressemble à un début de souveraineté palestinienne.

Les mots sont ceux de Ghazi Hamad, haut dirigeant du Hamas: «La décision de plusieurs pays de reconnaître l’État palestinien est l’un des fruits des attentats terroristes du 7 octobre.» Selon lui, le Hamas a «replacé cette question au premier plan, et c’est pour cette raison que tous ces pays commencent désormais à reconnaître l’État palestinien».

Contrairement à la propagande habituelle du Hamas, ces propos contiennent une part de vérité. Le 24 juillet, Emmanuel Macron a annoncé que la France reconnaîtrait l’État palestinien en septembre. Cinq jours plus tard, le Premier ministre britannique Keir Starmer déclarait que le Royaume-Uni en ferait autant, afin de relancer un « processus de paix approprié », à moins qu’Israël « ne prenne des mesures concrètes pour mettre fin à la situation épouvantable à Gaza, n’accepte un cessez-le-feu et ne s’engage en faveur d’une paix durable à long terme, ravivant ainsi la perspective d’une solution à deux États ».

Quant au Premier ministre canadien, Mark Carney, il a émis la même intention, mais assortie d’une condition pour le moins improbable : une démilitarisation totale de la société palestinienne, sa démocratisation et la disparition de toute influence politique du Hamas d’ici à la fin 2026.

Et, de fait, aucune de ces annonces n’aurait vu le jour si la riposte militaire d’Israël aux attaques terroristes du Hamas en 2023 n’avait à la fois suscité une vague de sympathie pour les civils palestiniens meurtris et déclenché, dans le même temps, une flambée de haine anti-israélienne – parfois ouvertement antisémite.

Pas de génocide

Israël ne commet pas de génocide à Gaza. Mais des dizaines de milliers de civils palestiniens ont bien été tués – un bilan impossible à établir avec précision, les chiffres fournis par le Hamas ne distinguant pas combattants et non-combattants – et les pénuries alimentaires se sont aggravées. Les images de familles décimées, de blessés et d’enfants souffrant de malnutrition circulent massivement. Sous cette pression, des dirigeants occidentaux comme Macron, Starmer ou Carney ont été contraints d’agir. En annonçant avec fracas leur volonté de reconnaître un État palestinien, ils peuvent donner l’image de dirigeants proactifs œuvrant pour la paix.

Les tentatives passées

L’idée d’un État palestinien ne date pas d’hier. Sur le papier, une entité baptisée « État de Palestine » a déjà reçu l’aval d’environ les trois quarts des membres de l’ONU. Quant aux bureaucrates, comités et « rapporteurs spéciaux » des Nations unies, ils publient régulièrement des déclarations appelant le quart restant à emboîter le pas. En 2000, Bill Clinton et Ehoud Barak avaient offert à Yasser Arafat la création d’un État palestinien démilitarisé couvrant plus de 90 % de la Cisjordanie et l’intégralité de Gaza. Arafat a préféré y répondre en déclenchant une campagne terroriste – pudiquement qualifiée de « seconde Intifada ».

En 2002, George W. Bush devenait le premier président américain à faire de la création d’un État palestinien un objectif officiel de la politique de son pays. Pour y parvenir, il allait lancer un processus diplomatique parallèle, vite surnommé la « feuille de route pour la paix ». Là où l’approche Clinton pariait sur un accord global – frontières, réfugiés, Jérusalem, sécurité – pour créer ensuite les conditions d’une paix durable, l’administration Bush inversait la logique : encourager les nouveaux dirigeants palestiniens, sous l’égide de Mahmoud Abbas, à bâtir un État pas à pas.

Le plan reposait sur « des phases, des calendriers, des dates cibles et des critères de référence fondés sur les performances, visant à faire progresser les deux parties par des mesures réciproques dans les domaines politique, sécuritaire, économique, humanitaire et institutionnel ». Si les Palestiniens renonçaient au terrorisme et réformaient leur vie politique, alors ils en obtiendraient des avancées tangibles vers l’indépendance et la création d’un État.

Échec après échec

Mais ce plan a lui aussi échoué, pour des raisons similaires. Les chefs djihadistes du Hamas restent arc-boutés à leurs fantasmes apocalyptiques d’anéantissement d’Israël – « du fleuve à la mer », comme le répètent les étudiants sur les campus – et voient dans toute solution de compromis définitive une trahison de leur cause. De leur côté, les dirigeants vieillissants du Fatah en Cisjordanie, plus laïcs mais tout aussi discrédités, sont trop faibles, impopulaires, corrompus, incompétents et autoritaires pour bâtir des institutions viables et transparentes, ou même renoncer à leur propre soutien au terrorisme.

Aujourd’hui, la perspective d’un État palestinien paraît plus éloignée que jamais. Au début des années 2000, certains avaient cru que le Hamas et le Fatah finiraient par s’entendre dans l’intérêt de leur peuple et de la paix. Illusion. Il y a vingt ans, les deux factions se livraient à une guerre sanglante qui allait laisser Gaza aux mains du Hamas et la Cisjordanie sous l’autorité civile d’Abbas. Depuis, c’est une génération entière de Palestiniens qui a grandi séparée dans ces deux territoires, s’éloignant toujours davantage sur les plans géographique, culturel et politique.

Imaginer qu’ils puissent aujourd’hui se réunir pour répondre aux appels occidentaux à l’unité, à la démocratie et à la paix relève de la pure science-fiction.

Les tentatives passées de créer une entité palestinienne souveraine ont échoué à satisfaire les conditions les plus élémentaires de la souveraineté : disposer d’un territoire permanent et clairement défini, et d’un gouvernement capable d’y maintenir l’ordre public. Une carence qui demeure toujours aujourd’hui. Si Israël reste militairement présent à Gaza, c’est avant tout parce qu’aucun gouvernement viable n’y est prêt à prendre le relais. Le Hamas – classé organisation terroriste par l’Union européenne et le Canada – a passé vingt ans à démanteler toute forme de société civile qui échappait à son emprise. Rebâtir un gouvernement alternatif dans une société ainsi atrophiée prendra des générations. Et ce ne sont pas les dirigeants occidentaux, soucieux avant tout de rassurer leurs électorats, qui peuvent l’imposer de l’extérieur.

Acteurs géopolitiques par accident

Un problème historique majeur réside dans le fait que les Arabes – devenus par la suite les « Palestiniens » – n’avaient pas d’identité nationale cohérente avant que la montée du sionisme ne les transforme, il y a un siècle, en acteurs géopolitiques par accident. Ils ne disposaient ni d’une langue commune, ni d’un héritage culturel distinctif, ni d’une littérature nationale, ni d’une croyance religieuse particulière, ni d’une mythologie pré-sioniste susceptible de fonder un véritable État.

La cause nationale palestinienne s’est au contraire toujours définie comme une lutte tournée vers l’extérieur : soumettre ou éliminer la présence juive dans la région. Même si un État pouvait se construire sur une telle base nihiliste, Israël ne l’accepterait pas. Et il n’aurait aucune raison de le faire.

Il faut rappeler que les Palestiniens ne sont pas les seuls peuples apatrides à rêver d’un État. Nombre de Sikhs indiens, de Tamouls sri-lankais, de Kurdes turcs, d’Igbos d’Afrique de l’Ouest, d’Ouïghours chinois, de Zoulous sud-africains, de Hazaras afghans, de Catalans et de Basques espagnols, de Cachemiris indiens, de Berbères marocains, de Moros philippins, de Rohingyas birmans ou encore de Tchétchènes russes nourrissent des aspirations comparables. En encourageant aujourd’hui les velléités palestiniennes, la France, le Royaume-Uni et le Canada envoient à tous ces groupes – et à bien d’autres – un message dangereux : qu’ils peuvent rallier un soutien international en massacrant des civils comme l’a fait le Hamas en 2023, en prenant des otages comme monnaie d’échange, puis en exploitant les représailles militaires inévitables comme levier de propagande. Nul besoin d’être un sioniste convaincu pour voir là un précédent tragiquement funeste.