DÉCRYPTAGE – Le premier ministre israélien justifie les bombardements, qui ont fait plus de 400 morts, par le refus du Hamas de libérer de nouveaux otages.
Par Guillaume de Dieuleveult, correspondant à Jérusalem
Revenant comme les mauvais rêves, les bombardements israéliens ont surpris les habitants de la bande de Gaza à 2h20 du matin, dans la nuit de lundi à mardi. « On a eu très peur », admet l’un d’entre eux. Presque deux mois après l’entrée en vigueur de la trêve, l’État hébreu a choisi de reprendre les combats contre le Hamas.
Comme aux pires jours de la guerre, les hôpitaux de Khan Younes et de Gaza ont été submergés par un afflux de blessés. Mardi, en fin d’après-midi, le bilan des bombardements était de 404 morts et 562 blessés, selon le ministère de la Santé du Hamas dans la bande de Gaza. Parmi ces victimes figureraient de nombreux enfants. Mardi matin, l’armée israélienne a émis un ordre d’évacuation concernant toute la zone frontalière, ce qui a, une fois de plus, jeté des milliers de civils sur les routes.
Reprise des combats
Le gouvernement israélien a annoncé la reprise des combats par un communiqué diffusé mardi matin, à 02h14, quelques minutes avant que les bombes ne pleuvent sur le territoire palestinien. « Le premier ministre Benyamin Netanyaou et le ministre de la Défense Israël Katz ont demandé à l’armée d’agir vigoureusement contre l’organisation terroriste du Hamas dans la bande de Gaza », peut-on y lire. Le gouvernement israélien justifie sa décision par « le refus répété du Hamas de libérer nos otages, de même que son rejet des propositions faites par l’envoyé spécial du président des États-Unis, Steve Witkoff. »
À partir de maintenant, Israël agira contre le Hamas avec une force militaire croissante
Le cessez-le-feu entre Israël et le mouvement islamiste devait entrer dans une deuxième phase début mars, mais les négociations s’étaient embourbées. Plus aucun otage n’a été libéré depuis fin février. « À partir de maintenant, Israël agira contre le Hamas avec une force militaire croissante », conclut le message du gouvernement.
«Frappes préventives»
Quelques minutes plus tard, alors que les bombardements avaient commencé, un officier israélien a livré des détails sur « cette série de frappes préventives visant des officiers de rang intermédiaire, des responsables du Hamas, ainsi que des structures de l’organisation terroriste. » D’après cet officier, cette reprise du combat est due au fait que le Hamas préparait de nouvelles attaques terroristes contre Israël. L’opération « ira au-delà de frappes aériennes », affirme-t-il.
Apparemment surpris dans leur sommeil, plusieurs cadres politiques ou militaires du Hamas, ainsi que le porte-parole du Djihad Islamique Palestinien ont été tués par ces frappes. Dans les localités israéliennes proches de la bande de Gaza, des mesures de sécurité ont été prises : fermeture des écoles et interruption du trafic ferroviaire, elles ont été assouplies mardi soir.
Les portes de l’enfer vont s’ouvrir, le Hamas va affronter toute la puissance de l’armée, depuis les airs, la mer et sur la terre
Israël Katz, ministre israélien de la Défense
En milieu de journée, l’armée israélienne annonçait continuer ses attaques. Depuis la reprise des combats, aucune roquette n’a été tirée de la bande de Gaza vers Israël, comme c’est généralement le cas.
« Le Hamas doit comprendre que les règles du jeu ont changé », a lancé le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, mardi après-midi, depuis une base de l’armée de l’air. « Les portes de l’enfer vont s’ouvrir, le Hamas va affronter toute la puissance de l’armée, depuis les airs, la mer et sur la terre. Nous n’arrêterons pas de nous battre avant que tous les otages ne soient ramenés à la maison et que la menace contre les habitants du sud ne disparaisse », a-t-il annoncé, semblant faire fi des ravages causés par quinze mois de guerre dans la bande de Gaza.
Un char israélien manœuvre à la frontière entre Israël et Gaza, 18 mars 2025. Amir Cohen / REUTERS
Les combats n’ont permis la libération que d’une poignée d’otages et n’ont pas détruit le Hamas. Bien que durement frappé, le mouvement islamiste contrôle toujours le territoire. C’étaient pourtant là les deux objectifs de la guerre, tel qu’ils ont été déterminés par le gouvernement israélien au lendemain de l’attaque terroriste du 7 octobre 2023.
La bénédiction des États-Unis
Cette reprise des combats s’est faite avec la bénédiction des États-Unis, comme l’a confirmé la porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, dans une interview à la chaîne Fox. « L’Administration de Trump et la Maison Blanche ont été consultées par les Israéliens avant leur attaque contre la bande de Gaza. Le président Trump a été clair sur le fait que tous ceux qui cherchent à terroriser Israël et les États-Unis d’Amérique, qu’il s’agisse du Hamas, des Houthistes ou de l’Iran, paieront le prix.
L’enfer va se déchaîner », a-t-elle menacé, alors que les États-Unis mènent actuellement une campagne de frappes contre les Houthistes, au Yémen. Lesquels affirment répliquer en visant les navires de l’US Navy croisant au large de la péninsule arabique.
Netanyahou et Israël sont totalement responsables des conséquences de cette perfide agression contre Gaza
La reprise des combats est en fait le second volet d’un programme qui aurait été baptisé « plan enfer » par Benyamin Netanyahou. La première partie a été mise en place début mars, avec l’interruption des livraisons d’aide humanitaire, puis la coupure de l’alimentation en électricité d’une usine de désalinisation, ce qui a des conséquences directes sur des centaines de milliers de civils.
Le Hamas a réagi à la reprise des bombardements en menaçant les derniers otages en sa possession. « Netanyahou et Israël sont totalement responsables des conséquences de cette perfide agression contre Gaza. Netanyahou, et son gouvernement extrémiste, ont pris la décision d’interrompre l’accord de cessez-le- feu : ils exposent les otages dans Gaza à un destin inconnu », affirme le mouvement islamiste, qui se dit ouvert à une reprise des négociations, alors que des médiateurs l’inciteraient à libérer de nouveaux otages afin d’ouvrir la voie à une désescalade.
Le retour de Ben Gvir
Sévèrement critiquée par l’opposition et les mouvements pour la libération des otages, la rupture de la trêve est saluée par les soutiens de Benyamin Netanyahou. À commencer par Itamar Ben Gvir, le chef du parti suprémaciste Force Juive, qui avait quitté le gouvernement lorsque la trêve avait été conclue. « Nous saluons le retour de l’État d’Israël à une guerre de haute intensité, sous le leadership du Premier Ministre Benyamin Netanyahou. Comme nous l’avons dit ces derniers mois, avant de démissionner, Israël doit reprendre les combats ; c’est la seule mesure correcte, morale, éthique, la plus juste de toutes en vue de détruire le Hamas et de permettre le retour de nos otages », affirmait dans la matinée l’ex-ministre de la Sécurité Nationale.
Des Palestiniens inspectent un immeuble résidentiel après une frappe israélienne, à Deir Al-Balah, dans le centre de la bande de Gaza, le 18 mars 2025. Ramadan Abed / REUTERS
Un peu plus tard, un communiqué conjoint du Likoud, le parti de Benyamin Netanyahou, et de Force Juive, annonçait le retour d’Itamar Ben Gvir et des autres ministres de Force Juive au sein du gouvernement. À quelques semaines de la date butoir pour le vote du budget, c’est une garantie de survie pour la coalition emmenée par Benyamin Netanyahou.