Le retour à la Maison-Blanche du milliardaire républicain, résolument pro-israélien et anti-République islamique, ouvre la voie à une escalade militaire dans la région.
Par Armin Arefi
La nouvelle avait fait l’effet d’une bombe. Le 16 juillet dernier, trois jours après la tentative d’assassinat contre Donald Trump en plein meeting en Pennsylvanie, la chaîne de télévision CNN révèle que les autorités américaines ont obtenu des informations quant à la volonté de l’Iran d’éliminer l’ancien président américain. Deux mois plus tard, l’équipe de campagne de Donald Trump déclare elle-même avoir été informée de « menaces réelles et concrètes de l’Iran visant à l’assassiner ».
D’après les renseignements américains, la République islamique d’Iran entend alors venger l’élimination sur ordre de Donald Trump du général Qassem Soleimani, ancien chef de la branche extérieure des gardiens de la Révolution, l’armée idéologique du régime, tué le 3 janvier 2020 dans une frappe de drone américain à Bagdad. Pour ce faire, Téhéran se serait notamment attaché les services d’Asif Merchant, un ressortissant pakistanais de 46 ans chargé, selon le FBI, de trouver des tueurs à gages. L’individu, qui a une femme et des enfants en Iran, a été arrêté le 12 juillet par des agents fédéraux alors qu’il s’apprêtait à quitter le territoire américain.
Trump, torpilleur du rapprochement avec l’Iran
Les efforts déployés par la République islamique pour se débarrasser de Donald Trump sont à la hauteur du contentieux qu’elle a avec lui. Au-delà du cas de Qassem Soleimani, l’ancien pensionnaire de la Maison-Blanche est l’homme qui a torpillé le rapprochement entre Téhéran et le reste du monde au milieu des années 2010.
Son principal fait d’armes est d’avoir, en mai 2018, retiré les États-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien (JCPOA), que respectait pourtant l’Iran, selon l’Agence internationale de l’énergie atomique, avant de prononcer contre Téhéran plus de 1 500 sanctions dans le but de le contraindre à accepter un texte à ses conditions.
Cette politique de « pression maximale » contre la République islamique n’a pas eu l’effet escompté. Loin de ramener Téhéran à la table des négociations, elle l’a, au contraire, encouragé à relancer tambour battant son programme atomique controversé. En parallèle, l’Iran a aiguisé le glaive de l’« axe de la résistance », l’alliance anti-israélienne et anti-américaine qu’il parraine, en accentuant son soutien militaire et économique aux milices chiites d’Irak et de Syrie, au Hezbollah au Liban, au Hamas et au Jihad islamique dans les territoires palestiniens et aux rebelles houthis au Yémen.
Le risque de mettre le feu aux poudres au Proche-Orient
Autrefois secrète et indirecte, la guerre à laquelle se livrent l’Iran et Israël a éclaté au grand jour. Depuis le mois d’avril, les gardiens de la Révolution islamique frappent directement le territoire israélien avec leurs missiles et leurs drones, entraînant des représailles de Tsahal sur le sol iranien. Et seules les pressions exercées par Joe Biden sur Benyamin Netanyahou ont, pour l’heure, permis d’éviter un embrasement régional. Dans ce contexte explosif, le retour à la Maison-Blanche de Donald Trump pourrait mettre le feu aux poudres.
« Il faut attendre de voir si Donald Trump changera ou pas ses politiques hostiles à l’égard de l’Iran », tempère depuis Téhéran une source diplomatique iranienne. « Du point de vue de l’Iran, il n’existe, de toute façon, pas de réelle différence entre les démocrates et les républicains dans le sens où le président des États-Unis suit la même politique étrangère à notre égard, quelle que soit la couleur de son parti. » Officiellement, les Iraniens se veulent plutôt rassurants. Mais ces réactions de circonstance peinent à masquer une réelle inquiétude.
Soutien « sans faille ni limite » à Israël
« L’élection de Donald Trump n’est pas une bonne nouvelle en Iran, car celui-ci est perçu comme étant très proche du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou et développant à l’égard d’Israël un soutien sans faille ni limite », souligne Hamidreza Azizi, chercheur au German Institute for International and Security Affairs (SWP), à Berlin. « Les responsables iraniens redoutent que la politique de pression maximale soit à nouveau à l’œuvre à la Maison-Blanche, peut-être même plus qu’auparavant, étant donné la perception en Occident que l’Iran est plus vulnérable avec l’affaiblissement de ses groupes alliés dans la région et de ses défenses aériennes sur son territoire. »
Les deux pays ennemis pourraient ne pas attendre l’investiture du nouveau président américain, le 20 janvier prochain, pour en découdre à nouveau. L’Iran a d’ores et déjà fait savoir son intention de frapper de manière « brutale » le territoire israélien pour laver l’affront de l’attaque sans précédent de Tsahal qu’il a essuyée sur son sol le 26 octobre dernier.
« Il existe de part et d’autre une volonté de repousser au maximum les lignes rouges avant l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche pour commencer son mandat en position de force », poursuit Hamidreza Azizi. « D’un côté, Benyamin Netanyahou veut profiter de l’affaiblissement de l’Iran pour lui infliger un coup encore plus fort et ainsi affaiblir l’“axe” iranien. De l’autre, Téhéran veut essayer de l’en empêcher en frappant Israël, soit directement soit indirectement, et tenter de fixer ses propres limites. »
Une négociation avec Téhéran « improbable » ?
Pendant ce temps, les centrifugeuses iraniennes continuent de tourner à plein régime, si bien que la République islamique n’a jamais été aussi près de l’obtention de la bombe atomique afin de sanctuariser son territoire, avec en ligne de mire la fin officielle de l’accord sur le nucléaire iranien en juillet 2025 qui lèvera les dernières restrictions onusiennes encore en vigueur. À Téhéran, on veut croire que Donald Trump reste un homme d’affaires qui ne veut pas faire la guerre avec l’Iran, et avec lequel il ne serait pas impossible de se mettre d’accord « à condition de faire preuve de respect envers la partie adverse », insiste la source diplomatique iranienne.
Mais un tel scénario peine à convaincre les connaisseurs du dossier. « Donald Trump, l’homme à l’origine de l’échec du JCPOA, ne devrait pas changer de ligne sur l’Iran et une négociation avec Téhéran paraît assez improbable, tout comme à un retour à l’accord sur le nucléaire », estime une source diplomatique occidentale. « Le nouveau président américain devrait donc soutenir Israël dans ses entreprises régionales, et Benyamin Netanyahou se sentir pousser des ailes, surtout si les Iraniens affichent leur volonté d’aller de l’avant sur le nucléaire. »
La dernière attaque israélienne a laissé des traces en Iran en détruisant au moins trois batteries antimissiles de fabrication russe S-300 ainsi que deux systèmes de radar longue distance Ghadir, garantissant à l’aviation de Tsahal une plus grande liberté d’action sur le territoire iranien en cas de futures opérations. Considérant la perspective d’une bombe iranienne comme une « menace existentielle », le Premier ministre israélien, qui n’a jamais caché son souhait de frapper à terme les installations nucléaires iraniennes, s’était toujours heurté au veto de l’administration Biden, déterminée à laisser une chance à la diplomatie avec Téhéran. Avec le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, le verrou américain vient de sauter.