En Israël, la campagne sans merci du général Gantz (Thierry Oberlé – Le Figaro)

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Auréolé d’une carrière militaire plutôt glorieuse, le champion du «Tout sauf Bibi» pilonne Benyamin Nétanyahou sur les scandales de corruption avant les législatives, mardi 9 avril.

Il est passé à l’offensive avec détermination, mais la partie n’est pas gagnée. L’ancien chef d’état-major de l’armée israélienne a essuyé les salves du chef du gouvernement sortant au cours d’un rude combat où les coups bas n’ont pas manqué. Il n’a pas eu à se replier mais n’est pas parvenu à percer les lignes du camp adverse. Benny Gantz, 59 ans, est un coriace. Une qualité qu’il partage avec Benyamin Nétanyahou. L’ancien parachutiste n’a cependant ni l’expérience ni le sens de la manœuvre du quadruple premier ministre au pouvoir depuis dix ans. Un handicap dans un duel personnalisé à l’extrême.

Aidé par sa haute stature et son regard d’acier, Benny Gantz est le champion, sévère mais bienveillant, du «Tout sauf Bibi». «Israël doit choisir entre “Bibi avant tout” ou “Israël avant tout”», martèle-t-il. Il a pilonné son rival sur les scandales de corruption, trois affaires judiciaires dans lesquelles Benyamin Nétanyahou doit être inculpé avant la fin de l’année. Il a enfoncé le clou avec un quatrième dossier concernant la vente de sous-marins par l’Allemagne marquée par des arrangements douteux. En retour, il a été critiqué pour avoir tenté de négocier un contrat avec la police sans passer par un appel d’offres lorsqu’il dirigeait une entreprise de sécurité informatique. C’est que Benny Gantz semble plus doué pour l’art militaire que pour le business. Cinquième Dimension, sa société, a fait faillite.

Dans un clip, il s’attribue l’élimination de 1.364  terroristes» palestiniens et se vante d’avoir renvoyé Gaza à l’«âge de pierre»

Sa carrière militaire est en revanche plutôt glorieuse. Elle l’a conduit aux plus hautes fonctions à l’issue d’un parcours où le général a été servi par des circonstances favorables. Au Liban, il est en 2000 le dernier commandant de Tsahal à se retirer du pays alors que l’Armée du Liban Sud, l’allié local d’Israël, s’effondre. Ses soldats décrivent un chef décontracté qui sait garder son sang-froid. Ses pairs évoquent un commandant tout en retenue et sans ennemi dans l’institution. Ce profil lui ouvre les portes de l’état-major. Il dirige l’armée durant l’opération «Bordure protectrice» déclenchée en 2014 à Gaza par Benyamin Nétanyahou. Elle lui sert de carte de visite pour son baptême politique. Dans un clip, il s’attribue l’élimination de 1364 «terroristes» palestiniens et se vante d’avoir renvoyé Gaza à l’«âge de pierre». Ses détracteurs se sont empressés de rappeler la mort durant le conflit de plus de 1000 civils.

Benny Gantz s’affiche en recours crédible. Appuyé dans son camp par deux autres chefs d’état-major à la retraite de Tsahal, il est l’unique candidat aux législatives à pouvoir rivaliser avec Benyamin Nétanyahou sur les questions sécuritaires. Ses intentions dans ce domaine ne diffèrent guère de celles du premier ministre. Il entretient toutefois l’ambiguïté sur une éventuelle relance des discussions de paix avec les Palestiniens et envisage, à la différence du chef du gouvernement, d’évacuer des colonies de Cisjordanie si un accord est trouvé.

Benny Gantz prétend vouloir dépasser les clivages traditionnels avec un slogan «Ni de droite ni de gauche, Israël d’abord». Il partage le langage et les thématiques de la droite, tout en refusant de cliver la société, de s’en prendre aux minorités.

Son programme de facture libérale est flou mais entend s’attaquer aux carences de sécurité et d’éducation publiques

Son programme de facture libérale est flou mais entend s’attaquer aux carences de sécurité et d’éducation publiques. Benny Gantz reproche à son rival une dérive «monarchiste» et l’a comparé à «Louis XIV, le Roi-Soleil accompagné de sa cour» dont l’unique préoccupation est la défense de ses intérêts personnels illégaux. L’alliance de Benny Gantz avec le leader centriste Yaid Lapid a créé une dynamique mais aussi troublé son image d’homme fort et donné un goût d’inachevé: l’ex-militaire et l’ancien journaliste de télévision ont prévu de se relayer au poste de premier ministre s’ils parviennent à monter une coalition gouvernementale. Benny Gantz commencerait le job et Yaid Lapid prendrait le relais à mi-mandat.

Sa campagne a connu des trous d’air. Une prestation télévisée ratée à Washington a été exploitée par ses adversaires pour mettre en avant un personnage hésitant et fébrile. Puis des enregistrements clandestins sortis à bon escient lui ont fait dire qu’il craignait d’être «tué par Nétanyahou». Pour désamorcer ces propos, Benny Gantz a été contraint de déclarer qu’il ne prêtait pas à son rival des intentions meurtrières.

Après son entrée en piste, le favori de l’opposition faisait pratiquement jeu égal avec le chef du Likoud dans les enquêtes d’opinion sur la personnalité la plus à même de diriger un gouvernement. Il a fini par décrocher, comme si l’effet de nouveauté s’était émoussé. Un phénomène conforté par la présence de peu de têtes nouvelles dans sa liste. Mais Benny Gantz ne s’en laisse pas conter. Il sait sortir l’artillerie lourde.

Son opposition a viré à l’affrontement viril lorsqu’il a portraituré son adversaire, ex-combattant des commandos des services spéciaux, en «planqué» à Washington familier des cocktails mondains des milieux d’affaires où il a croisé Donald Trump, tandis que lui défendait la nation en «rampant dans des trous de boue avec ses soldats dans l’hiver et la nuit glaciale» au Liban.