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Israël: Benyamin Nétanyahou dans le creux de la vague (Thierry Oberlé – Le Figaro)

Israeli Prime Minister Benjamin Netanyahu attends the weekly cabinet meeting in Jerusalem, Sunday, June 2, 2019. (Ronen Zvulun, Pool via AP)

Le premier ministre se heurte à un casse-tête après avoir échoué à faire une coalition et annoncé des législatives en septembre.

Benyamin Nétanyahou traverse une mauvaise passe. Le magicien de la politique israélienne loupe ses tours. Son torpillage de la nouvelle Knesset, après ses tentatives ratées de former un gouvernement de coalition, lui vaut d’être tancé par son précieux allié Donald Trump. Il vient de congédier sa ministre de la Justice Ayelet Shaked, une figure de premier plan qui souhaitait pourtant intégrer son parti, le Likoud. Et, il a été contraint de recadrer l’un des candidats bien placé pour succéder à l’égérie de la Nouvelle Droite, le député ultraorthodoxe Bezalel Smotrich qui a exprimé le souhait de voir l’État hébreu régi par les lois de la Torah comme «au temps de la Bible et des rois David et Salomon». Ces déclarations ont provoqué un tollé dans le pays.

Depuis sa difficile victoire aux législatives du 9 avril, le premier ministre se heurte à un casse-tête qui va le poursuivre jusqu’au scrutin du 12 septembre et se reposera en cas de succès électoral. Pour survivre, il doit composer avec des alliés nationalistes de droite et religieux de l’ultradroite aux idéologies contradictoires et aux appétits aiguisés par ses signes de faiblesse.

«Israël a tout gâché dans son élection, Bibi a été élu et maintenant ils doivent recommencer le processus ? Nous ne sommes pas heureux de cela»

Donald Trump

Dans l’incapacité de constituer une équipe gouvernementale, il a préféré dissoudre le Parlement plutôt que de passer la main. Un choix décrié en raison du coût financier du remake, de son caractère non démocratique selon ses opposants et du risque de voir non résolus à l’automne les problèmes qui se sont posés au printemps.

Aux critiques en Israël sont venues s’ajouter celles de son précieux soutien, le président américain. Donald Trump est irrité par cette pagaille qui le contraint, une fois de plus, à repousser l’annonce de son plan de paix pour le Proche-Orient. «Israël a tout gâché dans son élection, Bibi a été élu et maintenant ils doivent recommencer le processus? Nous ne sommes pas heureux de cela» a pesté le président américain.

Alors que Donald Trump exprimait son dépit, Benyamin Nétanyahou évinçait de son gouvernement intérimaire Ayelet Shaked, ainsi que son collègue Naftali Bennett, ministre de l’Éducation, tous deux membres du HaYamin HaHadash (la Nouvelle Droite). Officiellement, ils sont mis à l’écart faute d’avoir obtenu de sièges au Parlement où ils ont raté à un millier de voix près le seuil des 3,25 % nécessaires pour être représentés.

Officieusement, la mesure est un règlement de comptes destiné à affaiblir deux personnalités perçues comme de dangereux rivaux. Ayelet Shaked pourrait prendre la tête de la liste de la Nouvelle Droite ou pourrait rejoindre Avigdor Lieberman, le chantre nationaliste et antipalestinien de la ligne éradicatrice face au Hamas à Gaza et de la résistance face aux exigences de la communauté ultraorthodoxe. Son premier choix était pourtant le Likoud.

Le rôle de la femme de Nétanyahou

Selon la presse israélienne, ce ralliement de poids aurait été refusé sous la pression de Sara, l’épouse de Benyamin Nétanyahou. Son cas aurait été étudié durant une réunion à huis clos dans la maison du premier ministre quand Sara Nétanyahou aurait surgi dans la pièce et aurait lancé à la cantonade: «Ayelet ne sera pas du Likoud, point final!» Une version démentie par le parti du chef du gouvernement, mais l’animosité de l’épouse du premier ministre à l’égard d’Ayelet Shaked est de notoriété publique.

Elle remonte à l’époque où la jeune femme alors âgée de 30 ans dirigeait le cabinet du chef du gouvernement. «Un premier ministre responsable à la veille d’élections fatidiques aurait payé n’importe quel prix pour lier Ayelet Shaked à son parti. Dans des conditions normales, Benyamin Nétanyahou n’aurait pas manqué une telle occasion… Mais les conditions ici ne sont pas “normales”. Rien n’est normal ici», commente l’éditorialiste Ben Caspit dans le quotidien Maariv.

«L’État d’Israël ne sera pas un État religieux»

Benyamin Nétanyahou

Par un effet domino, l’affaire a provoqué un nouveau couac de taille. Dès l’annonce du renvoi d’Ayelet Shaked, l’ultranationaliste religieux Bezalel Smotrich a revendiqué son poste. Favorable à une ségrégation entre Juifs et Arabes israéliens et connu pour ses prises de position contre les homosexuels, l’impétrant a exposé une conception singulière de la justice en souhaitant qu’elle soit rendue selon l’halakha, la loi juive. Le député de l’Union des partis de droite a précisé qu’un tel changement interviendrait à long terme et dépendait de la volonté du peuple juif. «La nation verra alors combien la loi de la Torah est juste et humaine» a-t-il ajouté. Ses propos lui ont valu une avalanche de protestations.

«Selon sa vision, un État sera établi dans lequel un homme pourra répudier sa femme, l’esclavage et la lapidation reviendront, l’homosexualité sera interdite et seuls les hommes pourront être propriétaires. Le fait que Smotrich et ses amis ne soient pas des visionnaires marginaux, mais qu’ils occupent des postes influents, constitue un danger énorme pour la liberté» a commenté la députée travailliste, Shelly Yachimovich. «Nous empêcherons cela, nous ne le permettrons pas» a, pour sa part, tonné Avigdor Lieberman.

Pour calmer les esprits, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a assuré sur son compte Twitter que «l’État d’Israël ne sera pas un État religieux». Il s’est donné une semaine pour trouver un successeur à Ayelet Shaked et réviser ses manuels de prestidigitateur.