Moyen-Orient: dernier bras de fer entre Obama et Nétanyahou

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Le Figaro – Par Cyrille Louis – correspondant à Jérusalem

Israël craint que le président américain ne profite de sa fin de mandat pour durcir son discours.

Et maintenant, que va faire Barack Obama? La question taraude les dirigeants israéliens, qui redoutent de le voir mettre à profit ses dernières semaines à la Maison-Blanche pour redorer le blason de sa politique au Proche-Orient.

Lors de son discours du Caire en juin 2009, le président américain avait évoqué «la situation intolérable du peuple palestinien» et promis de «ne pas tourner le dos à ses aspirations légitimes».

Sept ans et quelques désillusions plus tard, la presse américaine affirme que certains de ses collaborateurs l’encouragent à graver dans le marbre d’un discours présidentiel ou d’une résolution au conseil de sécurité de l’ONU les «paramètres» d’un règlement du conflit israélo-palestinien. «C’est la grande frayeur de Nétanyahou, qui exige de négocier sans préconditions et a jusqu’à présent toujours pu compter sur le soutien des Américains», décrypte Daniel Seidemann, responsable de l’ONG Jérusalem terrestre.


«Maintenant qu’il a validé le plus vaste programme d’assistance jamais offert par les États-Unis, Obama peu se sentir libre de prendre des décisions susceptibles de déplaire à Israël» (Nathan Thrall, analyste au centre de réflexion International Crisis Group)


Les deux dirigeants, qui entretiennent des relations peu cordiales, se sont rencontrés mercredi soir à New York pour la 17e fois en huit ans. Ils avaient prévu de saluer avec un même enthousiasme la signature récente d’un accord au terme duquel Washington s’est engagé à verser 38 milliards de dollars  (environ 34 milliards d’euros) d’aide militaire à l’État hébreu entre 2019 et 2028.

«Maintenant qu’il a validé le plus vaste programme d’assistance jamais offert par les États-Unis, Obama peut se sentir libre de prendre des décisions susceptibles de déplaire à Israël, notamment en engageant un effort de dernière minute pour laisser un autre héritage sur ce dossier», estime Nathan Thrall, analyste au centre de réflexion International Crisis Group. Il est cependant probable qu’il attendra la fin de la saison présidentielle pour faire connaître ses intentions, afin de ne pas perturber la campagne de Hillary Clinton. «La séquence postélectorale, entre novembre 2016 et janvier 2017, constitue un sérieux motif d’inquiétude», admet un diplomate israélien sous le couvert de l’anonymat.

«Chaque cycle de négociation s’est terminé par un échec»

Un demi-siècle après le début de l’occupation, il existe certes déjà un solide corpus de textes internationaux appelant les parties à renoncer à la violence, troquer la paix contre les territoires, régler le problème des réfugiés, cesser la colonisation, créer un État palestinien ou encore faire de Jérusalem une capitale partagée. «Mais les États-Unis, en tant que médiateurs, n’ont jamais insisté sur le respect de ces lignes directrices, constate Nathan Thrall, si bien que chaque cycle de négociation s’est terminé par un échec et beaucoup de regrets.» Ce fut encore le cas, au printemps 2014, des pourparlers conduits sous l’égide de John Kerry. Mahmoud Abbas répugne depuis lors à réengager le dialogue avec Benyamin Nétanyahou, tant que celui-ci n’aura pas ordonné un gel de la colonisation en Cisjordanie

La définition de paramètres clairs et précis, que la France a tenté de promouvoir au printemps 2015, dans le cadre d’une résolution de l’ONU avant de reculer sous les critiques, n’a pas que des partisans. «Elle peut avoir des effets pervers en renforçant ceux qui, dans chaque camp, refusent le compromis, admet Nathan «Les Israéliens gagneraient à reconnaître qu’ils ne peuvent pas éternellement occuper et coloniser les terres palestiniennes» Barack Obama Thrall. Mais on peut aussi imaginer qu’elle serve à injecter dans les deux sociétés une dose de réalisme dont les dirigeants pourront se nourrir au moment d’imposer des sacrifices douloureux.»

Barack Obama, qui n’avait pas dit un mot du conflit israélo-palestinien lors de son précédent discours à la tribune de l’ONU, a estimé mardi que «les Israéliens gagneraient à reconnaître qu’ils ne peuvent pas éternellement occuper et coloniser les terres palestiniennes». Sa patience semble avoir été érodée par l’accélération de la colonisation après la publication, en juillet, d’un rapport d’un Quartet appelant précisément à la faire cesser. Le ton des communiqués américains s’est depuis lors notablement durci, au point que l’Administration a jugé «inappropriée» et «inutile» la diffusion d’une vidéo dans laquelle Benyamin Nétanyahou accuse les adversaires de la colonisation de prôner le «nettoyage ethnique».

À quelques heures de sa rencontre avec Barack Obama, le premier ministre israélien a semblé vouloir calmer le jeu, en annonçant le gel d’un programme de construction à Jérusalem-Est. Devant l’assemblée générale de l’ONU, où il doit intervenir jeudi tout comme le président Mahmoud Abbas, il entend sommer la communauté internationale «de soutenir la lutte sans merci qu’Israël livre contre le terrorisme». «Il n’est pas interdit d’espérer qu’Obama hésitera avant de renverser la table», confiait mardi le diplomate israélien. Au même moment, 88 élus du Congrès américain adressaient à leur président une lettre l’invitant à utiliser son veto contre toute résolution «déséquilibrée» sur le conflit israélo-palestinien