DROIT DE RÉPONSE : Webdocumentaire de France24 – Les entreprises françaises et le tramway de Jérusalem

Share on facebook
Share on twitter
Share on linkedin
Share on print
Share on email

Un reportage biaisé et incomplet de France24

France24, chaîne publique d’information internationale émettant en français, en anglais et en arabe, supposée porter “la voix de la France à l’étranger” a mis en ligne le 21 avril 2018 un webdocumentaire (source ici), c’est-à-dire un format d’article enrichi de contenus multimédia et mis en valeur par un effort particulier en matière de design et d’ergonomie de lecture, traitant de l’implication des entreprises françaises dans la construction et l’exploitation du tramway de Jérusalem. Ce travail journalistique pose problème au sens où il reprend sans la distance critique qui s’impose le discours du mouvement BDS, ne présente pas les aspects positifs du tramway et prête aux institutions juives de France un pouvoir d’influence néfaste, en plus de contresens factuels perceptibles par un public certes restreint mais aux implications sérieuses.

En quoi le webdocumentaire remet en question la légalité du tramway et mine l’image d’Israël? 

Ci-dessous, la liste des points de controverse émaillant le webdocumentaire :

  • Le Webdoc épouse l’idéologie du BDS et ses arguments fallacieux  

Le webdocumentaire a inséré une illustration créée spécialement pour l’occasion qui viole la réserve nécessaire à tout travail journalistique sérieux car elle:

  • Met en exergue une assertion du BDS sur les dommages économiques infligés à Veolia et Alstom
  • Reprend le code visuel orange du BDS
  • Ajoute les hashtags Boycott, Pertes et BDS

Source: France 24, Webdocumentaire, Dans les coulisses du tramway de Jerusalem, 21/04/2018

Le Webdoc véhicule et entérine le discours du BDS lorsque celui-ci affirme que les campagnes publiques d’appel au boycott ont infligé des milliards d’euros de pertes à Veolia et Alstom au titre d’appels d’offres non remportés et de contrats non renouvelés. Par exemple, on peut lire une citation attribuée au service de communication de Veolia datant de 2009 sans qu’un lien internet permette d’en contrôler l’authenticité: “en Scandinavie et au Royaume-Uni, la campagne a pu coûter un peu cher”, or l’argument est invérifiable. Quoi qu’il en soit, Veolia perd des appels d’offres pour des raisons strictement commerciales, ce qui n’empêche pas le BDS de crier victoire selon une technique éculée et grossière d’intimidation.

  • Fausses allégations d’incidents quotidiens racistes contre les usagers arabes

Le webdocumentaire s’ouvre sur une pastille vidéo hébergée sur Youtube présentant un reportage de la chaîne France24 en français datant de 2014 (regarder ici). Le reportage explique que le tramway a ravivé les tensions entre communautés et des usagers du tramway sont alors interrogés pour étayer ce propos. Les protagonistes arabes interrogés témoignent d’incidents racistes dont on peine, pour qui a déjà emprunté le tramway, à les envisager comme étant quotidiens sur la ligne. A dire vrai, on serait en droit de douter de leur véracité même. Ainsi un imam dont la mosquée se trouve sur le tracé de la ligne de tramway explique que les officiers Israéliens de sécurité du tramway ciblent les passagers arabes pour les contrôles, les emmènent à part, leur prennent leurs papiers d’identité et les passent à tabac devant les autres voyageurs (regarder ici). Un adolescent arabe explique pour sa part que des voyageurs juifs racistes s’amusent à le bousculer (regarder ici).

Source: Reportage France24, Un imam et un adolescent arabe rapportent des violences racistes quotidiennes contre les usagers arabes du tramway, paru le 04/11/2014

  • Le tramway accusé à tort de violer le droit international

Le tramway est présenté comme illégal en regard du droit international. C’est factuellement faux. Les institutions internationales considèrent la souveraineté Israélienne au-delà de la ligne verte commune une occupation illégale mais pas le tramway lui-même (à la différence par exemple de la barrière de sécurité jugée illégale par la cour internationale de justice en 2004, lire ici). C’est d’ailleurs un argument de poids avancé par la cour d’appel de Versailles dans son jugement du 22/03/2013 dans l’affaire opposant l’Association France Palestine Solidarité (AFPS) et l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) aux entreprises Alstom et Veolia (jugement en intégralité ici). S’appuyant sur l’article 43 du Règlement sur les lois et les coutumes de la guerre sur terre, annexé à la 4ème Convention de La Haye de 1907 qui précise les droits et obligations en pays occupé, la cour a rappelé que:

Il a été considéré que la puissance occupante pouvait et même devait rétablir une activité publique normale du pays occupé et admis que les mesures d’administration pouvaient concerner toutes les activités généralement exercées par les autorités étatiques (vie sociale, économique et commerciale) (1947 control commission court of criminal appeal) ; qu’à ce titre, il pouvait être construit un phare, un hôpital. Il a même été reconnu que l’instauration d’un moyen de transport public faisait partie des actes relevant d’une administration d’une puissance occupante (construction d’un métro en Italie occupée) de sorte que la construction d’un tramway par l’Etat d’Israël n’était pas prohibée.

  • Les arguments de la cour d’appel soigneusement occultés

Le Webdoc mentionne l’existence du procès commencé en 2007 et terminé en 2013 avec la cour déboutant les parties plaignantes mais omet l’essentiel. D’un côté, la cour “a conclu que les accords internationaux en question créent des obligations entre les Etats et ne pouvaient être invoqués pour tenir pour responsables deux sociétés privées.” De l’autre, “La Cour a condamné l’AFPS et l’OLP à verser 30.000 euros à chacune des trois sociétés pour couvrir les frais encourus par ces dernières durant le procès.” (source ici) En l’espèce, la justice française considère que les entreprises françaises n’ont violé ni le droit français ni le droit international. La politique est une chose, le droit en est une autre.

  • L’anti-Israélisme primaire du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU escamoté

Le Webdoc mentionne le Conseil des Droits de l’homme de l’ONU et sa résolution 31/36 de mars 2016 prévoyant la création d’une base de données recensant les entreprises actives dans les “Territoires Palestiniens Occupés” c’est à dire Jérusalem Est, la Cisjordanie et le plateau du Golan. En revanche, l’article ne dit pas un mot sur le caractère outrageusement controversé dudit conseil. Nikki Haley, représentante permanente des USA aux Nations Unies dit du conseil des Droits de l’Homme que “la moitié de ses pays membres ne remplissent pas les critères de droits humains de base tels que mesurés par Freedom House” (source ici). En outre, à la date de mars 2017, “le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU depuis sa création en 2006 a voté 67 résolutions condamnant l’Etat hébreu, soit plus que le total des condamnations votées contre l’ensemble des autres pays” (source ici).

  • Le Webdoc flirte avec le complotisme et l’antisémitisme

Le Webdoc s’achève sur une référence ambiguë du CRIF et des institutions juives. Interrogés sur la contradiction entre le succès des entreprises françaises en Israël et la politique étrangères de la France condamnant “l’occupation”, des diplomates du Quai d’Orsay déclarent sous anonymat qu’ils n’osent pas prendre position publiquement sur ce sujet. En effet, ils gardent en mémoire les événements de 2016: “Les organisations juives, dont le CRIF, nous ont très durement attaqué après le vote en 2016 de la France à l’Unesco sur la Palestine occupée. Ça nous a un peu paralysé”. L’article ne précise pas de quelle résolution il s’agit mais pour mémoire, la France en 2016 a d’abord voté en faveur de la résolution d’avril 2016 niant le lien entre le peuple juif et le mur des lamentations (voir ici), avant de s’abstenir lors de la résolution d’octobre 2016 (voir ici). Le Webdoc feint donc de ne pas comprendre pourquoi les institutions juives françaises dénoncent les résolutions niant le caractère juif du mur occidental et insinue que le CRIF a le pouvoir de réduire au silence la politique étrangère de la France.

La partie manquante du récit

Le Webdoc occulte totalement la moitié de l’histoire pour donner aux lecteurs une vision équilibrée de la réalité, à savoir que :   

  • Les communautés arabes sont parmi les premiers bénéficiaires du tramway
  • Le service est ouvert à tous sans discrimination aucune
  • Le projet a été vérifié et validé par un professionnel européen de la responsabilité sociétale des entreprises

Veolia justifiait en 2008 sa participation au projet en insistant sur le bénéfice aux communautés locales: “It will primarily benefit the Arabic communities in the Shoafat and Beit-Hanina area, who are currently without access to transportation to West Jerusalem. Moreover, these communities are overwhelmingly in favor of the creation of this transportation system. » (Veolia 2008 sustainability report, source ici).”

En outre, le Webdoc passe sous silence le caractère universel du service comme expliqué par Veolia: the light rail « will serve the entire population in the area on the basis of equal access » (Veolia 2008 sustainability report, source ici). En aucun cas, le tramway pratique-t-il à l’égard des passagers un quelconque apartheid (toute la signalétique est en Arabe et en Hébreu), ni discrimination raciale et les passagers ne sont pas quotidiennement agressés contrairement aux propos entendus dans la pastille vidéo datant de 2014.

Un moyen efficace de contrebalancer les propos du Webdoc serait de donner la parole à Sasja Beslik qui travaille en tant que responsable durabilité au sein de l’entreprise Nordea Wealth Management (biographie corporate ici). M. Beslik possède une expérience de première main du tramway de Jérusalem. En effet, amené à décider si Nordea devait exclure les entreprises collaborant au tramway de ses portefeuilles d’investissements, M. Beslik s’est déplacé en personne à Jérusalem pour emprunter le tramway, interroger les parties prenantes et se rendre compte par lui-même. Finalement, M. Beslik a décidé de maintenir les investissements de la banque Nordea dans les entreprises intervenant sur le tramway de Jérusalem comme il l’explique dans un colloque de responsabilité sociale des entreprises en Israël (entre 5:42 et 6:50): https://youtu.be/awtERsWA3t4?t=5m42s  et ainsi qu’il l’affirme dans un article de mars 2018 (lire ici).