Chiites contre Sunnites, la fracture du Moyen-Orient

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Le 7 juin dernier, un double attentat a frappé Téhéran. Deux des symboles de la théocratie chiite ont ainsi été touchés : le mausolée de son fondateur, l’imam Khomeiny, et le Parlement. Dix-sept personnes ont été tuées et l’Etat islamique a revendiqué l’attaque. Mais les Gardiens de la révolution ont également établi un lien entre ces attaques et l’Arabie Saoudite, qui, il y a quelques semaines à peine, avait directement menacé l’Iran, dans un contexte de lutte d’influence entre les deux pays au Moyen Orient,. Le prince saoudien Mohamed Ben Salmane, ministre de la Défense, avait déclaré que son pays allait faire en sorte d’importer cette guerre à l’intérieur des frontières iraniennes.

Le 5 juin, l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis, le Bahreïn, la Libye, le Yémen et les Maldives rompaient leurs relations diplomatiques avec l’émirat du Qatar, lui reprochant son soutien aux Frères Musulmans, à des groupes djihadistes liés à Al-Qaïda et Daech et sa proximité avec la République islamique. Cette crise entre le Qatar aux Emirats arabes unis est une conséquence de la « guerre froide », qui oppose les chiites et les sunnites.

Cette volonté de déstabiliser « collectivement » le Qatar, dont l’influence est grandissante au Moyen-Orient, entre dans une logique, pour les pays du Golfe, d’apparaître comme les seuls interlocuteurs fiables de la région. D’ailleurs, la signature de contrats d’une valeur de plus de 380 milliards de dollars, au premier jour de la visite du président américain à Ryad en mai, dernier, s’inscrit dans cette perspective. Mais l’autre point polémique réside dans le fait que le Qatar entretient de bonnes relations avec l’Iran et cela s’explique en grande partie par la présence du Noth Dome, le plus gros gisement de gaz naturel du monde, à cheval entre les eaux territoriales des deux pays. Une manne financière pour la monarchie sunnite, qui ne peut se permettre de couper les ponts avec la République islamique chiite.

Dans ce contexte, Donald Trump a décidé de choisir le cap saoudien. A l’occasion de sa visite à Ryad le 20 mai dernier, le président américain a clairement affiché sa volonté d’en finir avec la politique d’ouverture lancée par Barack Obama vis-à-vis de l’Iran chiite. En qualifiant d’ « axe du mal » la zone qui s’étend de l’Iran au territoire contrôlé par Daech, il a accentué la pression autour de Téhéran et de ses alliés.

Le Moyen-Orient a commencé à se polariser autour de cette confrontation entre chiites et sunnites en 1979, au moment de la révolution islamique iranienne. L’ambition iranienne d’exporter sa révolution cristallise les rivalités avec les pays arabes sunnites de la région, qui soutiennent Saddam Hussein dans sa guerre contre l’Iran (1980-1988). Au même moment l’Arabie saoudite, où le wahhabisme est religion d’Etat, soutient le djihad en Afghanistan. Al-Qaida s’y forgera. En 2003, l’invasion américaine de l’Irak déclenche une guerre civile entre chiites et sunnites irakiens. La branche irakienne d’Al-Qaida y développe un djihad anti-chiite, et forme, avec l’aide d’anciens cadres du régime de Saddam Hussein, la matrice de l’Etat islamique, qui a d’ailleurs mené des attentats contre des communautés chiites loin de ses lignes de front d’Irak et de Syrie, jusqu’en Arabie saoudite, au Koweït, au Yémen et au Liban. Par la suite, le conflit syrien a favorisé la confrontation de l’Iran et les puissances sunnites.

Arrivé au pouvoir en janvier 2015 en Arabie saoudite, le roi Salmane s’est montré déterminé à contrer l’influence iranienne au Moyen-Orient. Cette posture s’est matérialisée par l’entrée en guerre de l’Arabie saoudite au Yémen, en mars 2015. Sans doute galvanisé par le discours de Donald Trump à Riyad en mai dernier, il devrait maintenir cette politique de fermeté à l’égard de son rival chiite. Le rapprochement qu’il a opéré avec Israël ces derniers mois témoigne d’ailleurs de cette volonté.