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Reza Pahlavi, descendant du dernier chah d’Iran : le discours d’un roi

PORTRAIT – Cet opposant au régime des mollahs était de passage à Paris il y a quelques jours. L’occasion de demander un engagement plus fort de l’Occident.

Par Anne Fulda

Poignée de main ferme, regard direct. La première chose que l’on remarque en rencontrant Reza Pahlavi, c’est la ressemblance avec son père, le dernier chah d’Iran, mort en exil en 1980. Depuis la révolution en 1979 et l’arrivée au pouvoir du régime des mollahs, le fils aîné du chah, qui devait être l’héritier du trône d’Iran, est pour ses partisans le roi Reza II. On lui demande donc quel est l’usage, comment doit-on s’adresser à lui : « Votre Altesse ? », « Monsieur ? ». Il sourit. « J’ai toujours laissé le choix à mon interlocuteur. Ce ne sont pas les titres qui comptent, c’est ce que j’ai à dire. Souvent, poursuit-il, on m’appelle “Your Highness”, ou alors “Monsieur Pahlavi”. Je ne demande rien. Ce n’est pas ça qui me préoccupe. »

Reza Pahlavi parle en français, langue qu’il maîtrise parfaitement. Logique : on a en face de nous un sexagénaire qui, durant son enfance et son adolescence, a été préparé à devenir un roi. Un prince aujourd’hui en exil depuis près de quarante-six ans et qui assure que, quel que soit son lieu de résidence, son centre d’attention, « quotidiennement et depuis des années demeure toujours l’Iran ».

Un contexte politique complexe

Installé depuis 1984 dans la région de Washington avec sa femme et ses trois filles, il dit avoir choisi les États-Unis notamment « pour des questions de sécurité » (« il y a eu beaucoup d’assassinats de dissidents iraniens en France, notamment l’ancien premier ministre Chapour Bakhtiar et le général Oveissi, mon cousin »), mais aussi de discrétion. « En Europe, si ma mère (Farah Pahlavi, qui vit aujourd’hui en France, NDLR) ou moi-même étions dans la rue, tout le monde nous reconnaissait presque immédiatement. »

Nous le rencontrons dans la salle de réunion d’un hôtel particulier, sis dans l’Ouest parisien et abritant des bureaux appartenant à l’un de ses soutiens en France.

Chevelure argentée, costume sombre, avec, au revers de la veste, un pin’s aux couleurs du drapeau iranien ; enfin, celui « d’avant », d’avant le régime des mollahs. À l’occasion de son passage en France, il a rencontré des parlementaires français, mais – officiellement du moins – n’a pas eu de rendez-vous à des niveaux plus élevés.

La plus grande faille dans le calcul politique de ces dernières années a été d’attendre un changement de comportement du régime iranien. On a perdu beaucoup de temps

Logique. Il le sait bien. Dans un contexte politique complexe et mouvant, certains pays occidentaux tentent de ménager la chèvre et le chou. Le petit mélodrame qui s’est joué autour de sa présence à la Conférence de Munich sur la sécurité (qui s’est tenue entre le 14 et le 16 février) en est la preuve. Alors qu’il était convenu qu’il y assiste, Reza Pahlavi en a été désinvité ; selon lui, « à la demande du gouvernement allemand, sous la menace du régime islamique iranien ». La preuve, écrit-il dans un message qu’il a posté, jeudi, sur X que « c’est l’ayatollah qui tire les ficelles à Berlin ». Et de marteler, lui d’ordinaire si mesuré : « Il s’agit d’une trahison à la fois envers le peuple iranien et envers les valeurs démocratiques de l’Allemagne. (…) Au lieu de soutenir ceux qui luttent pour la liberté, l’Allemagne a choisi d’apaiser une dictature qui assassine ses citoyens, prend les Européens en otage et sponsorise le terrorisme. »

Un régime théocratique

Un incident qui prouve que Reza Pahlavi dérange certains. Est-il vraiment l’un de ceux que les Iraniens verraient bien en recours en cas de chute du régime ? Son entourage en est convaincu et fournit obligeamment des sondages (les plus récents faits par Telegram ou Twitter) selon lesquels il serait le leader iranien d’opposition le plus populaire. D’autres en doutent. Qu’importe, il va son chemin. Répétant inlassablement depuis des années les mêmes paroles, appelant la population iranienne « à la désobéissance civile » contre ce régime théocratique, « qui, depuis quarante-cinq ans, règne par la terreur et la répression ». Étonné de constater l’espèce d’inertie de l’Occident face à l’Iran. Un régime qui, martèle-t-il, entend exporter la révolution par-delà ses frontières à travers le terrorisme, l’islamisme, mais aussi au Proche-Orient.

Souhaite-t-il instaurer le moment venu une monarchie ? Il assure que non. « Ce qui importe, ce n’est pas la forme finale d’une future démocratie, assure-t-il, mais son contenu » et l’adhésion aux valeurs du monde libre : « le respect des droits de l’homme, l’égalité entre hommes et femmes », « la disparition de toutes sortes de discriminations, sexuelles, ethniques ou religieuses ». Plaidant pour l’« autodétermination du peuple iranien » et l’organisation d’« élections libres », il indique ne pas faire campagne « pour devenir le futur chef d’État » mais « pour faciliter la transition vers un avenir démocratique. C’est la priorité. Je ne mets pas la charrue avant les bœufs. »

Une question se pose cependant : il faudrait pour que ce scénario se réalise que le régime actuel tombe. Ce qui ne semble pas d’actualité. Reza Pahlavi le sait bien, mais, selon lui, le régime des mollahs est plus fragile qu’il n’y paraît. Il est notamment affaibli par la révolution Femme, Vie, Liberté, née suite au décès le 16 septembre 2022 de Mahsa Amini, mais aussi par une situation économique catastrophique avec une inflation « de plus de 40 % » et « au moins la moitié de la société qui vit sous le seuil de la pauvreté ».

Un «Iran ouvert»

Enfin le régime est fragilisé également par le contexte international. Les récentes actions israéliennes ayant abouti à l’élimination de cadres du Hezbollah et du Hamas, la chute du régime syrien d’Assad, mais surtout le retour à la Maison-Blanche de Donald Trump , artisan d’une politique dite de « pression maximale » à l’encontre de l’Iran durant son premier mandat, peuvent laisser imaginer, selon Reza Pahlavi, « un alignement des planètes ».

« Regardons ce qui s’est passé suite à la politique d’apaisement du précédent gouvernement américain. Le régime iranien a dépensé presque 200 milliards de dollars – qu’il n’aurait pas dû avoir si des sanctions avaient été adoptées -, non pas pour résoudre la misère, mais pour renforcer les “proxys« (Hezbollah, houthistes…). Est-ce que vous pensez que le 7 Octobre aurait eu lieu sans cela ? »

Pour Reza Pahlavi, c’est clair : la lutte contre « l’Iran des mollahs et de Khamenei, du Hezbollah et du Hamas » réclame aussi bien « une pression intérieure, qu’un fort soutien extérieur. » « La plus grande faille dans le calcul politique de ces dernières années », ajoute le fils du chah – qui rêve d’un « Iran ouvert qui amènerait la stabilité et la sécurité régionale avec un partenariat approfondi et sincère autant avec l’Arabie saoudite qu’avec Israël » -, a été d’attendre un changement de comportement du régime iranien. On a perdu beaucoup de temps. Il faut ouvrir les yeux : ce n’est pas seulement un régime non démocratique, mais un régime qui menace le monde. »