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Israël maintient le Liban sous pression maximale, avec le Hezbollah en ligne de mire

DÉCRYPTAGE – Bien que le cessez-le-feu soit globalement respecté, l’État hébreu a décidé de maintenir cinq positions en territoire libanais.

Par Sibylle Rizk

L’armée israélienne a décidé de se maintenir en cinq points du territoire libanais au- delà de l’échéance du 18 février, conditionnant son retrait à l’application par le Liban de sa part de l’accord de cessez-le-feu. Conclu le 26 novembre, l’accord lui donnait un délai de 60 jours qui a été prorogé à cette semaine, puis sine die. Beyrouth réfute les prétextes invoqués par Israël et a décidé de s’en remettre au Conseil de sécurité ainsi qu’à Washington et Paris, parrains du mécanisme de surveillance de la mise en œuvre de l’accord. La France a rappelé « la nécessité d’un retrait complet dans les meilleurs délais », et propose de déployer le contingent français de Casques bleus à la place des soldats israéliens.

Pas d’accroc notable

Diplomates et analystes à Beyrouth s’accordent à dire que l’enjeu des cinq positions est davantage politique que militaire. Le processus de déploiement de l’armée libanaise se déroule sans accroc notable, aucune action cinétique du Hezbollah n’a été répertoriée et Israël continue de viser des cibles attribuées au parti chiite en divers points du territoire. Cette liberté d’ouvrir le feu aurait fait l’objet d’un accord bilatéral parallèle avec Washington.*

« Au-delà de la dimension politique intérieure israélienne qui consiste à rassurer de façon démonstrative les habitants du nord du pays, il s’agit surtout de maintenir une pression maximale sur les autorités libanaises », analyse l’ancien général Khalil Hélou. L’objectif énoncé par le secrétaire d’État américain Marco Rubio est d’obtenir le désarmement total du Hezbollah en vertu de la résolution 1701 de l’ONU, qui avait été adoptée à l’issue de la guerre de 2006.

L’objectif est repris à son compte par le président Joseph Aoun, élu le 9 janvier. Ce qui suppose de parachever la saisie et la destruction des infrastructures comme des stocks d’armement accumulés par la milice alliée de l’Iran au sud du fleuve Litani. Ce à quoi le Hezbollah, défait militairement, a consenti. Mais aussi de négocier la remise de ses armes au nord du Litani, à travers un dialogue portant sur l’élaboration d’une nouvelle politique de défense nationale.

Les deux points, ainsi qu’un retour à l’accord d’armistice de 1949 avec Israël, figurent parmi les priorités du gouvernement de Nawaf Salam, qui va demander la confiance au Parlement le 25 février. Pour la première fois, la déclaration de politique générale ne fait pas mention de la « résistance », privant le Hezbollah de la couverture politique dont bénéficiait son bras armé depuis des décennies, y compris après la fin de l’occupation israélienne du sud du Liban en 2000.

L’intention est là. L’enjeu est celui du calendrier et des modalités. L’épuisement est tel parmi les chiites qui constituent la base sociale du Hezbollah que le soutien à une éventuelle reprise des actions armées est quasi inexistant. Le risque politique pour le nouveau tandem exécutif est cependant de s’aliéner cette part importante de la population libanaise, qui veut avant tout panser ses plaies, sachant que les dépouilles des victimes de la guerre n’ont pas encore toutes été récupérées, et que les destructions du bâti résidentiel et des infrastructures sont massives.

Le Hezbollah n’a pas dit son dernier mot

Aussi affaibli soit-il, le Hezbollah n’a pas dit son dernier mot, même s’il est encore trop tôt pour savoir quel sera le nouveau visage de cette organisation après l’assassinat de Hassan Nasrallah, dont le leadership était essentiel à la cohésion. D’où la pression multiforme qui s’exerce sur le Liban. L’aviation israélienne a franchi le mur du son à très basse altitude au-dessus de la capitale libanaise le 12 février, alors que son commandement menaçait Beyrouth de frapper son aéroport international au cas où un vol de la compagnie iranienne Mehan Air y atterrirait.

Les autorités libanaises se sont pliées à l’injonction, provoquant la colère des proches des passagers empêchés de rentrer chez eux. Une manifestation sur la route de l’aéroport a dégénéré. Un véhicule de la Finul a été incendié et deux Casques bleus blessés. L’intervention de l’armée a également fait des blessés dans les rangs de la foule. Le secrétaire général du Hezbollah, Naim Kassem, a par la suite cherché à calmer le jeu en condamnant le recours à la violence tout en dénonçant la soumission des autorités aux « diktats israéliens ».

Les besoins financiers pour la reconstruction sont massifs. Le Hezbollah a distribué des aides à la population, mais elles sont nettement insuffisantes

Les vols en provenance de Téhéran ne sont pas autorisés jusqu’à nouvel ordre. « Les avions iraniens transportent du cash dont a besoin le Hezbollah », explique Mohanad Hage-Ali, chercheur au Carnegie Middle East Center, selon qui la situation financière du parti chiite est de plus en plus critique depuis la chute du régime syrien et la rupture de ses lignes d’approvisionnement terrestres. « Les besoins financiers pour la reconstruction sont massifs. Le Hezbollah a distribué des aides à la population, mais elles sont nettement insuffisantes. Il cherche d’ores et déjà à en faire porter la responsabilité à l’État libanais », poursuit-il. Une situation potentiellement explosive.