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Israël isolé après ses victoires militaires sur sept fronts

Par Laure Mandeville

Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou lors d’une conférence de presse à Jérusalem, le 21 mai. Ronen Zvulun / REUTERS

ANALYSE – Face à un Hamas affaibli qui livre désormais son combat à travers le monde via les réseaux sociaux, sur le plan idéologique, psychologique et informationnel, Tsahal se retrouve dans une grave impasse à Gaza, malgré le rétablissement spectaculaire de ses positions stratégiques régionales.

Israël vit une situation très paradoxale. Un an et demi après l’horreur et l’humiliation stratégique des massacres du 7 octobre 2023, son armée a réussi à réduire spectaculairement les menaces à ses frontières. La capacité du Hamas a été drastiquement réduite et le Hezbollah n’est plus que l’ombre de lui-même. L’élément clé du croissant iranien que représentait le régime Assad, grand allié de l’Iran et du Hezbollah, a également disparu. Et l’Iran a vu ses capacités industrielles et aériennes très entamées.

Mais, malgré ces succès, Tsahal se retrouve dans une grave impasse à Gaza, où, n’ayant pu récupérer tous les otages, elle reste embourbée dans une guerre sale et sans fin face à un Hamas affaibli, certes, mais qui livre désormais l’essentiel de son combat asymétrique via les réseaux sociaux sur un champ de bataille idéologique, psychologique et informationnel, où il a pris l’avantage. Un problème qui conduit le général de réserve Tamir Heyman à reconnaître dans nos colonnes une « situation très mitigée et complexe ». « Comment conduisez-vous une guerre… quand l’arme la plus puissante de votre ennemi puise dans sa capacité à modeler la manière dont le monde vous perçoit? », s’interroge sur Substack, l’ancien officier de renseignement britannique Andrew Cox, spécialiste de l’armée israélienne.

Chercheur à la Fondation Jean Jaurès et cofondateur d’un nouveau think-tank, Atlantic Middle-Eastern Forum, qui sera lancé lundi à Paris, David Khalfa souligne qu’« Israël a gagné la guerre classique sur les sept fronts militaires régionaux où elle était engagée, mais qu’elle la perd sur un huitième front, médiatique, sous-estimé ». « Cette guerre de l’information est particulièrement difficile à mener pour une armée classique qui communique à l’aide de chiffres techniques et d’argumentaires froids alors que l’autre camp attaque sur le registre des émotions et du choc des images, même quand elles sont falsifiées ou entourées du brouillard de la guerre, donc sujettes à caution », décrypte l’analyste.

« Une guerre culturelle »

Le résultat est là : Israël vit le paradoxe d’une victoire éclatante sur le terrain militaire, et d’une défaite politico-morale, puisque ses adversaires du Hamas ont réussi à faire valider par une partie influente de l’opinion internationale, l’idée infondée dans les faits, mais relayée abondamment, qu’Israël, pays né de la Shoah, a commis un crime de génocide contre le peuple palestinien.

L’armée israélienne devrait donner plus d’accès au terrain militaire aux journalistes
David Khalfa, chercheur à la Fondation Jean Jaurès et cofondateur du think-tank, Atlantic Middle-Eastern Forum

Tout en jugeant « ridicules » les accusations de génocide, le général Tamir Heyman, pointe du doigt la responsabilité du gouvernement Netanyahou, qui, pour des raisons de survie politique, persiste dans une sorte de fuite en avant. Mais il faut bien reconnaître que la radicalisation anti-israélienne de l’opinion mondiale nourrit la radicalisation intérieure.

« Derrière le tourbillon des intox et contre-intox, on voit bien que l’arrière-plan mondial de la perception du conflit est une guerre culturelle plus large, menée en Occident par les mouvements décolonialistes, qui, à gauche, ont pris Israël comme bouc émissaire », dit Khalfa. La déconnexion devient de plus en plus flagrante entre les faits, difficiles à établir, et le « narratif immédiat », relayé de manière idéologique par les réseaux sociaux et de nombreux médias piégés par le registre émotionnel.

« L’armée israélienne devrait donner plus d’accès au terrain militaire aux journalistes, pour contrer cette tendance », note Khalfa.