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Espions au service de l’Iran : après la guerre, une vague d’arrestations en Israël

RÉCIT – Malgré le cessez-le-feu, la guerre de l’ombre perdure entre les deux pays ennemis.
Par Guillaume de Dieuleveult, correspondant à Jérusalem


La chasse israélienne ne survole plus Téhéran, les missiles iraniens ne tombent plus sur les grandes villes d’Israël. Le cessez-le-feu imposé par Donald Trump tient tant bien que mal. Mais, dans l’ombre, la guerre perdure. Les informations que laissent filtrer la police israélienne et le Shin Bet, l’agence de renseignement intérieur, montrent à quel point l’Iran s’efforce de pénétrer la société israélienne. Recruter des agents, les inciter progressivement à commettre des actions irrémédiables : les méthodes des services iraniens semblent bien rodées.

Depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, le mardi 24 juin, les annonces se multiplient. La dernière en date remonte à lundi, quand les services ont révélé l’arrestation de trois Israéliens dans deux affaires différentes. Dans le cadre de la première affaire, il s’agit de deux résidents de la ville de Tibériade, en Galilée : Yoni Segal, 18 ans, et Omri Mizrahi, 20 ans.

Les centres scientifiques ciblés

Ces jeunes hommes auraient été recrutés par un agent iranien en vue de commettre, moyennant paiement, un assassinat contre un « citoyen israélien » dont l’identité reste inconnue. Ils devaient être conduits vers un pays tiers où ils auraient été formés, avant de recevoir l’identité de leur cible. D’après une chaîne de télévision israélienne, il pourrait s’agir d’un scientifique.

De fait, au cours de la guerre, l’Iran a délibérément ciblé des installations scientifiques israéliennes. À Tel-Aviv, l’Institut Weizmann a ainsi été partiellement détruit par un tir de missile. Le site aurait fait l’objet de reconnaissances : selon le superintendant Maor Goren, le chef de l’unité d’investigation Lahav 433, plusieurs sites israéliens frappés par des missiles iraniens auraient préalablement fait l’objet de repérages par des agents au sol.

Projet meurtrier

Avant d’être embarqués dans leur projet meurtrier, Yoni Segal et Omri Mizrahi avaient, eux aussi, selon la police israélienne, collecté des informations sur des sites sensibles – hôpitaux, centres commerciaux… – localisés dans le nord d’Israël.

Le même jour, l’arrestation d’un habitant de la vallée du Jourdain a aussi été divulguée. Il aurait transporté une grenade en sachant qu’elle était affectée à une attaque contre un Israélien. Il aurait aussi été invité à filmer des interceptions de missiles iraniens.

Finie l’époque des agents secrets soigneusement enrôlés et formés dans la discrétion. Désormais, les services iraniens agissent presque à visage découvert, en recrutant le plus largement possible, de façon aléatoire, sur les réseaux sociaux. À chaque fois, le scénario est identique.

Approchés sur les réseaux sociaux

Des Israéliens plutôt jeunes sont approchés sur la messagerie Telegram, explique le Shin Bet, via des annonces promettant « des aventures et des défis uniques » ou « un travail dans les services secrets avec des revenus importants et des missions excitantes ». Ceux qui mordent à l’hameçon sont redirigés vers des sites sur lesquels un agent les contacte. Les premières missions peuvent paraître bénignes, comme cet homme, arrêté au printemps. À la demande de son recruteur iranien, il avait tagué des slogans tels que « Bibi est un dictateur », ou « Bibi est coupable ». L’homme pour qui il travaillait, un certain « Mike », avait proposé de le payer en bitcoins. Parfois, il s’agit d’abord de filmer un site ou de placer une caméra espion.

C’est le cas de Roy Mizrahi, dont l’affaire a été révélée en détail samedi dernier par la police israélienne. Ce jeune homme, arrêté en avril, aurait été impliqué dans un complot visant à assassiner le ministre de la Défense, Israel Katz. Il a été interpellé alors qu’il venait d’installer des explosifs à proximité de la maison du ministre. Recruté lui aussi via Telegram, avec un complice, il aurait d’abord reçu d’un certain « Alex » la mission de filmer des sites sensibles, tels que le siège du Shin Bet.

Puis « Alex » lui aurait demandé d’installer une caméra espion afin de filmer les allées et venues autour de la demeure du ministre de la Défense. Enfin, Roy Mizrahi aurait été chargé de tuer un scientifique de l’Institut Weizmann contre 1 million de dollars. Ce qu’il aurait refusé de faire, la somme ne lui étant pas versée en avance. C’est alors qu’un nouvel agent lui aurait commandé de récupérer un sac d’explosifs et de le placer près du domicile d’Israel Katz.

Offensive tous azimuts

Quelques jours plus tôt, alors que l’issue de la guerre demeurait inconnue, la police avait déjà annoncé l’arrestation de trois Israéliens, suspectés d’avoir été payés contre la fourniture d’informations. Là encore, il s’agissait de jeunes hommes dont l’un aurait été payé pour rassembler des éléments sur Amit Yardeni, la fiancée d’un fils du premier ministre, Benyamin Netanyahou. Les deux autres sont eux aussi accusés d’avoir photographié des sites sensibles ou de taguer des slogans sur les murs de Tel-Aviv.

Cette offensive tous azimuts des services iraniens suscite une certaine consternation en Israël, où, près de vingt et un mois après le 7 Octobre, l’heure est toujours à l’union sacrée contre les ennemis de l’extérieur, au premier rang desquels la République islamique d’Iran.

De leur côté, les services israéliens sont loin d’être inactifs sur le terrain iranien. À la mi-juin, la stupéfiante précision de l’opération Rising Lion a montré à quel point le Mossad avait noyauté l’appareil d’État iranien. Un niveau d’infiltration qui semble, pour l’heure, loin d’être le même dans l’État hébreu.