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BHL : « Trois mensonges du Hamas et de ses idiots utiles »

Débats – Bloc-notes
Ce n’est pas parce qu’une contre-vérité est répétée ad nauseam qu’elle devient une vérité, rappelle le philosophe.

Par Bernard-Henri Lévy
Publié le 27/08/2025 à 22h00

Une ineptie peut être répétée soir et matin. Relayée par de hautes autorités internationales. Validée par de respectables ONG, parmi lesquelles Action contre la faim que j’ai contribué à fonder. Elle peut être reprise, « le cœur brisé », par l’un des amis, David Grossman, qui, en compagnie de Salman Rushdie, Amos Oz, Susan Sontag, d’autres, ont fait la revue, La Règle du jeu, que j’ai engagée, depuis trente ans, dans tous les combats pour la liberté. Elle n’en reste pas moins une ineptie. Trois exemples.

Israël ne « réoccupe » pas Gaza. Certains en ont rêvé. Deux ministres du gouvernement Netanyahou ont dit, sans honte, qu’ils en rêvent plus que jamais. Mais ce n’est pas la stratégie de l’armée israélienne. Ce n’est pas la position du gouvernement israélien. Ce n’est pas, jusqu’à nouvel ordre, ce que dit le Premier ministre israélien. Que l’on apprécie ou non celui-ci, que l’on souhaite ou pas son départ, la moindre des choses est de l’écouter. Et, si on l’écoute, par exemple sur Fox News, le 7 août, il dit très exactement ceci. Je veux que Tsahal, pour en chasser définitivement le Hamas, prenne le contrôle de Gaza. Mais « sans l’administrer » et en passant, dès que possible, le relais à un « gouvernement civil ». Et il martèle : « nous ne voulons pas garder Gaza, nous ne voulons pas gouverner Gaza ». Comment être plus clair ? Comment mieux dire que ses buts de guerre ne contredisent pas ceux d’Ariel Sharon quittant, en 2005, l’enclave palestinienne ? On peut être horrifié par cette guerre. Trouver qu’elle fait, d’un côté comme de l’autre, des victimes en trop grand nombre. Se demander si tout est fait, vraiment tout, pour ramener les otages. On ne peut pas dire n’importe quoi. On ne peut pas répéter, ad nauseam, sur un ton de « J’accuse ! » perpétuel : « Israël occupe Gaza… Israël est la puissance occupante à Gaza… »

Israël n’« affame » pas Gaza, Israël n’utilise pas la famine comme « arme de guerre » à Gaza. Il suffit, là, non seulement d’écouter mais de voir. Il suffit de regarder les centaines de camions qui ont passé les contrôles et dont les Israéliens se sont assurés qu’ils ne transportent pas aussi des armes. Ils n’attendent pas, ces camions, aux postes frontières. Ils attendent de l’autre côté de la frontière. Ils se trouvent, avec leurs cargaisons de vivres et de médicaments, en territoire palestinien. Et, dès lors, que se passe-t-il ? Un temps, les organismes patentés des Nations unies, chargés de la distribution de l’aide, ne purent empêcher qu’elle soit pillée par le Hamas ou des gangs liés à lui. Puis Israël, avec les États-Unis, monta dans l’urgence, car nourrir est une urgence, une Gaza Humanitarian Foundation, mal fichue, mal pensée, dont les organismes patentés dirent : « non merci, les affamés peuvent attendre, on ne mange pas de ce pain-ci, on ne collabore pas avec ces gens-là ». Puis Israël rectifia : « d’accord, travaillons avec les organismes patentés, qu’ils veillent juste à ce qu’il ne se trouve plus, parmi eux, de travailleurs humanitaires qui sont aussi des activistes du Hamas » – à quoi les organismes patentés répondirent : « ah non ! c’est nous, maintenant, qui ne voulons pas ; c’est la guerre, à Gaza ; les routes y sont dangereuses ». Soit, a encore répondu Israël, nous ouvrirons, de 10 heures à 20 heures, tous les jours, des corridors humanitaires dans les zones, notamment, d’Al-Mawasi, Deir al-Balah, Gaza-ville ». Et, alors, les organismes patentés : « cela ne suffit toujours pas, nous voulons aussi être protégés, accompagnés par des convois militaires dont nous ne sommes pas très sûrs, en même temps, de vraiment les vouloir car ce sont des affameurs »… Qui, honnêtement, faut-il incriminer de cette faillite tragique ? Et qui, pour briser ce cercle de la mauvaise foi dont les populations civiles, comme d’habitude, font tous les frais ?

Il n’y a pas de génocide à Gaza. Il y a des pyramides de morts. Des enfants fauchés dans la fleur de leur âge. Et pas de pression suffisante, sur le Hamas et ses parrains, pour que s’arrête cette guerre atroce. Mais les mots ont un sens. Qui dit génocide dit plan. Initiative concertée, ciblée, de destruction d’un peuple parce qu’il est ce peuple. Eh bien, encore une fois, ce n’est pas ce que fait l’armée israélienne. Peut-être fait-elle mal ce qu’elle fait. Et qui, franchement, ferait mieux dans une guerre asymétrique où le but de l’ennemi est, non de protéger son peuple, mais de l’exposer ; non de minimiser ses morts, mais de les maximiser afin que chaque martyr soit un trophée et une raison de continuer un combat dont l’issue doit être, non un État pour les Palestiniens, mais plus d’État du tout pour les Israéliens ? Une armée génocidaire ne met pas deux ans à gagner une guerre dans un territoire grand comme un canton suisse. Une armée génocidaire n’envoie pas des SMS avant de tirer et ne facilite pas le passage de ceux qui tentent d’échapper aux tirs. Une armée génocidaire n’exfiltre pas, chaque mois, des centaines d’enfants palestiniens, atteints de maladies rares ou de cancer, vers les hôpitaux d’Abou Dhabi, dans le cadre d’un pont sanitaire mis en place, dès après le 7 Octobre, avec les Émirats arabes unis. Parler de génocide à Gaza est une offense au bon sens, une manœuvre visant à diaboliser Israël, une insulte aux victimes des génocides d’hier et d’aujourd’hui.