Tirs de barrage d’Israël contre la Cour pénale internationale (Thierry Oberlé – Le Figaro)

Share on facebook
Share on twitter
Share on linkedin
Share on print
Share on email

Benyamin Netanyahou a fustigé la CPI pour son enquête sur la guerre à Gaza en 2014.

La procureure générale de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, a annoncé l’ouverture d’une enquête sur des crimes présumés dans les Territoires palestiniens, une initiative stigmatisée par Israël mais applaudie par les Palestiniens.

À Washington, le Département d’État affirme que le gouvernement de Joe Biden «s’oppose fermement» à cette enquête, mais a précisé qu’il «réexamine» les sanctions prises sous la présidence de Donald Trump contre Fatou Bensouda et d’autres responsables de la juridiction internationale, considérés par les ex-dirigeants américains comme fondamentalement hostiles aux intérêts israéliens. La CPI «a pris une décision qui est l’essence même de l’antisémitisme et de l’hypocrisie», a réagi le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou. «Nous défendrons chaque soldat, chaque officier, chaque civil et je vous promets que nous allons nous battre pour la vérité jusqu’à ce que cette décision scandaleuse soit annulée», a-t-il dit.

En Europe les réactions sont contrastées. La Hongrie, dont l’un des juges a estimé que la Cour est incompétente pour se prononcer sur l’affaire, soutient toujours cette position. Israël a axé sa campagne sur le thème de l’antisémitisme dans plusieurs pays qui avaient des camps de concentration sur leur sol durant la Shoah, comme l’Allemagne. La France défend une ligne qui se veut neutre. Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, considère que son pays n’a pas à se prononcer sur la compétence de la Cour afin de ne pas influencer sur les décisions sur le dossier de l’un des trois magistrats, de nationalité française. Il n’a pas déposé de mémoire lorsque la procureure a demandé l’avis des États membres.

La CPI a été mise en place par le traité de Rome de 1998 pour statuer sur des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Elle n’est pas reconnue par Israël, même si l’État hébreu admet ses fondements, et encore moins par les États-Unis, qui craignent des mises en accusation lors de ses interventions militaires. Son action est dénigrée. La plupart de son travail concerne des potentats africains. Paris soutient sa légitimité. Dans le cas israélien, il est probable que les enquêtes n’aboutissent pas avant de nombreuses années. D’autant plus qu’elles visent des personnes mais aussi Israël. Or la CPI est légitime pour poursuivre des individus, mais pas des États. Les plaintes visant l’État hébreu devraient être transmises à la Cour internationale de justice (CIJ).

Passeports diplomatiques

La Palestine a adhéré la CPI grâce à son strapontin aux Nations unies en tant que membre associé. Ses requêtes, estime la CPI, sont recevables et les investigations sont avancées et documentées. Durant l’été 2014, Israël a lancé une vaste offensive pour stopper les tirs de roquettes du Hamas en direction de son territoire depuis la bande de Gaza. La guerre a fait quelque 2 250 morts côté palestinien, en majorité des civils, et 74 morts, surtout des soldats, côté israélien. Le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, qui était chef d’état-major durant ces affrontements, a estimé que «la décision de la cour est une récompense pour le terrorisme. Les Palestiniens doivent comprendre que le conflit entre nous ne se réglera que par des négociations, aucun tribunal, ni même la cour de La Haye, ne fera avancer les choses».

Il est probable que les suspects vont bénéficier, en cas de poursuites, de passeports diplomatiques pour voyager. L’Autorité palestinienne a, elle, salué la décision de la CPI. «Les crimes commis par les dirigeants de l’occupation israélienne contre le peuple palestinien – ils sont en cours, systématiques et généralisés – rendent cette enquête nécessaire et urgente», indique le ministère des Affaires étrangères de l’Autorité palestinienne.