La Russie, un encombrant « ami » pour l’Iran (Louis Imbert – Le Monde)

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A Téhéran, la presse ne cesse de déplorer les manquements de son allié, peu pressé de soutenir Téhéran, face aux sanctions pétrolières américaines.

Il y a une reconnaissance de faiblesse, dans ces déclarations d’attachement que multiplie une part de l’Etat iranien à son grand allié russe. « Nous pouvons faire confiance à Poutine : l’expérience syrienne l’a démontré, et ce n’est qu’un début »,affirme ainsi, à Téhéran, Sadollah Zarei, éditorialiste proche des gardiens de la révolution, la principale force armée iranienne. Moscou est désormais un allié« stratégique », dit-il : ce débat ne souffre plus de contradiction.

Pourtant, la presse iranienne ne cesse de déplorer les manquements de son allié, peu pressé de soutenir Téhéran, face aux sanctions pétrolières américaines. Surtout, elle regrette une perte d’influence en Syrie au profit de Moscou. La Russie a certes tiré Téhéran d’une guerre inextricable, mais elle est soupçonnée d’en tirer davantage de bénéfices que l’Iran.

Sur le plan militaire, c’est Moscou qui définit encore l’essentiel des choix stratégiques à Damas, sans mécanisme de coopération formel avec Téhéran, et sans se priver de court-circuiter ses réseaux au sein des forces syriennes. D’un point de vue économique, des entreprises russes concurrençaient, en septembre, leurs rivales iraniennes à la foire de Damas, où se préparait la « reconstruction ».

« Les Russes jouent un rôle utile »

L’Iran est demeuré sur la touche dans les négociations russo-turques qui ont abouti, fin septembre, à un report des opérations militaires dans l’enclave rebelle d’Idlib, sous influence turque. Téhéran n’a pas même été convié à Istanbul pour un sommet consacré fin octobre à la Syrie, aux côtés de Vladimir Poutine, Angela Merkel et Emmanuel Macron.

Les autorités iraniennes sont pourtant prêtes à s’accommoder de ces écarts. « Les Russes continuent de jouer un rôle utile, estime Hossein Amir-Abdollahian, conseiller pour les affaires internationales au Parlement. Ils n’accepteront pas la politique de pression américaine. En Syrie, ils ont cessé de s’empresser de régler le problème : ils sont plus logiques désormais. » Moscou appuie un retour de l’autorité de Damas dans les zones rebelles, sans paraître déterminé à encourager une réelle évolution du pouvoir, comme le souhaiteraient les Occidentaux.

« La Russie reconnaît nos intérêts en Syrie et ne s’y mêle pas de nos affaires », apprécie Abdullah Ganji, directeur du quotidien Javan, lié aux gardiens de la révolution. Dans cette reconnaissance, Téhéran voit un rempart contre Washington et ses alliés régionaux, Israël et les monarchies arabes du Golfe.« Nous devons accepter que les Russes ne veulent pas forcer l’Iran à se retirer de Syrie : ils comprennent les limites de leur influence et n’iront pas à la confrontation », reconnaît un haut responsable arabe de la région.

Cette mesure tient à la proximité maintenue par Téhéran avec le clan Assad, malgré des critiques exprimées ces derniers mois auprès de visiteurs occidentaux, de passage à Téhéran. « Le compagnonnage de Damas avec la Russie est plus cynique et instrumental, note un diplomate occidental. Assad ne peut pas ignorer que les Russes le lâcheront. Ils garderont leur base navale de Tartous et peut-être une base aérienne, mais ils se moquent de savoir qui régnera à Damas. »L’Iran, quant à lui, s’en soucie toujours.